Correspondances phonétiques du siamois

Correspondances phonétiques:  
la quadrature du cercle 

  Je suis toujours étonné, pour ne pas dire atterré, de voir, ou plutôt d'entendre les reporters/commentateurs francophones sur TV5 déformer, voire ridiculiser, le nom des personnalités thaïlandaises. La plupart [de ces journalistes] sont de bons professionnels qui savent obtenir les infos pertinentes et les témoignages idoines pour expliquer, éclairer et rendre compte des évènements. Alors pourquoi ne se renseignent-ils pas sur la manière exacte de restituer les patronymes?

 La dernière victime (sic) en date est Sondhi Limthongkul, cible d'un attentat  à Bangkok le 17 avril dernier. Dieu merci, il n'est pas mort! Mais le reporter a prononcé «lime-ton-cûle», alors que cela se dit «lim'thong-koun».

J'ai un voisin belgo-italien et parfaitement francophone. Le nom de famille de sa femme thaïlandaise est «Houn-thong-koun». Mais à cause de la transcription hasardeuse du siamois, sur son passeport, c'est marqué: «Huntongkul». Je vous laisse imaginer la façon un peu crue avec laquelle le mari reproduit [à la française] ces trois syllabes. Un peu comme le journaliste sur TV5!

Vous l'aurez compris, à moins [pour les étrangers] d'apprendre à lire l'alphabet siamois, le problème est insoluble, car les révisions successives du système de romanisation de la langue thaïe, élaboré par l'Académie Royale de Thaïlande (1967, 2000, 2002…), ne peuvent et ne pourront jamais qu'aboutir à une phonétique approximative.

La difficulté supplémentaire pour les francophones peu renseignés sur la langue de Britney Spears (ils sont légion), c'est que la norme officielle de transcription est basée sur une prononciation anglophone.

Pour arranger la sauce, en Thaïlande, nombre d'administrations locales ne suivent pas les directives de l'Institut Royal et n'en font qu'à leur tête. Certains rédacteurs utilisent le système graphique, d'autres le système phonétique, et d'autres encore une combinaison des deux! C'est donc loin d'être une science exacte…

Ainsi, dans le voisinage de Pattaya, on peut trouver des panneaux indicateurs (en lettres romaines) avec au moins trois orthographes différentes pour la même commune: Jomtien, Chomthien, Chomthian…

Il ne faut donc pas toujours se fier aux écriteaux pour bien prononcer les toponymes. Cela se vérifie sur tout le territoire national. Comme mentionné plus haut, la prédominance de l'anglais est telle qu'elle oblige les francophones à accepter des transcriptions vocalisées qui vont à l'encontre de nos règles de phonétique gréco-romaine (une lutte… perdue d'avance). Prenons «Phuket» par exemple: écrit ainsi, nous devrions le prononcer «Fuket» (et non pas «fuck it»), mais parce que nous sommes polis, nous disons «Pouket» comme tout le monde. Faut  savoir s'adapter !

Le nom du roi [Rama IX], en thaï, s'écrit «Phoumiphol Adulyadech» mais se prononce "Phoumiphon Adulyadet". Il a demandé à ce qu'il soit orthographié "Bhumibol Adulyadej" et c'est donc ainsi que, entre autres non-initiés, les journalistes étrangers le prononcent à la télévision, mais il n'y a aucun danger que cela soit considéré comme un crime de lèse-majesté puisque cet écart de langage vient de l'intéressé lui-même...   

C'est aussi Rama IX qui aurait décidé du nom de l'aéroport, Suvarnabhumi. Un choix très judicieux (Suvarna, l'or, et bhumi, la terre/le pays, bref l'Eldorado) mais il en aurait aussi imposé la transcription telle que nous la connaissons. Si je faisais lire ce mot à ma vieille maman, elle prononcerait 'sûvaarnaabûmi' (comme la plupart des francophones, d'ailleurs), or les Thaïlandais disent Souwanna-phoum, et ce sont eux qui font autorité en la matière...  

Par contre, nous avons la problématique inverse, à savoir: la prononciation des mots "farang" par les siamophones. Car, que vous soyez résidents ou de passage en Thaïlande, vous avez sans doute remarqué que les locuteurs de la langue thaïe ont aussi une façon bien à eux d'écorcher les noms et mots [de la langue] farang (i.e. anglais ou prononcés à l'anglaise). N'y voyez là aucun "barbarisme", ils ne font [au contraire] que suivre leurs propres règles de phonétique (et elles ne sont pas plus incongrues que les nôtres, demandez aux étrangers qui apprennent le français).  

Par exemple, il n'y a en thaï que six "phonèmes consonantiques" pouvant se retrouver à la fin d'un nom ou d'un mot. Il s'agit des sons P, T, K, M, N et NG. Cela veut dire que, en thaï, les noms ou les mots se terminant par une consonne ne peuvent avoir qu'une de ces six "sonorités" finales, donc pas de sons correspondant à nos B, D, F, G, J, L, R, S, X ou Z (en position finale).  

Essayez de faire prononcer le chiffre anglais "six" (i.e. sikss) par un ou une Thaïlandais(e) qui pratique peu la langue de Shakespeare: c'est quasiment impossible, du fait de leur conditionnement phonologique.  

C'est pour cela que, paradoxalement, le mot "sex", dans la cavité buccale des autochtones, reste un peu "sek" sur les bords. Et vous n'entendrez jamais un enfant thaïlandais faire "kss! kss!" pour narguer ses petits camarades.

Autre spécificité, parmi d'autres: en position finale, les lettres thaïes correspondant à nos J, CH, D et S sont toutes les quatre prononcées "T". Les noms étrangers subissent donc un sort identique: Paris (qui soi-disant sera toujours Paris), prononcé à l'anglaise "Pariss", devient "Paritt" pour les Thaïlandais.

Toujours en position finale, Le R et le L se prononcent "N". Le prénom Pascal (ou Pascale) se nasalise en "Passekann" (car en plus les Thaïlandais ont du mal avec les consonnes accolées comme sc, sp, st…). "Michel" se transforme en "Michéou" (ou parfois Michen).  

La chaîne d'hypermarchés "Lotus" (prononcé "Loteuss" par les anglophones et transcrit comme tel en caractères thaïs) est consciencieusement régurgité en "Loteutt" par nos amis (frères et sœurs?) siamois. 

Ces quelques exemples ne servent qu'à illustrer le pourquoi du comment de ces distorsions qui peuvent nous paraître loufoques mais qui ont une explication très "académique", sans oublier le déterminisme physiologique du milieu naturel (i.e. l'influence des facteurs climato-géologiques sur la façon de parler)…  

Raymond Vergé



29/08/2009
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