La chapelle exultatoire du Père Brennan

Élu «Personnalité du 2ème Millénaire» par les lecteurs du Pattaya Mail en janvier 2000, le prêtre rédemptoriste (décédé en août 2003) a laissé un héritage considérable: un orphelinat, trois écoles (pour aveugles, sourds et handicapés physiques), un foyer pour séniors apatrides et deux autres pour enfants des rues (filles et garçons). Tous ces établissements sont devenus des références en matière d'accueil et d'éducation. Moins célèbre mais tout aussi remarquable est l'oratoire semi-privé que Father Ray avait fait édifier sur le campus du Centre Rédemptoriste de Pattaya.

C'est une bâtisse trapue, mais de fort belle allure, posée sur un soubassement de près de deux mètres de haut. Elle a un petit air rustique, prospère et rassurant, avec toutefois un aspect incongru de par sa présence et sa masse ventrue à côté de constructions plus conventionnelles pour un domaine chrétien (même si œcuménique).

Au premier coup d'œil, rien ne la différencie d'un temple bouddhique thaï. Dans un style que l'on pourrait taxer de baroco-siamois, l'extérieur ne laisse d'intriguer et d'enchanter le regard par son aptitude à répondre joyeusement à la caresse du soleil. Les murs sont couverts de milliers de fleurs taillées dans la faïence, quand ce ne sont pas de simples carreaux de salle-de-bains patiemment transformés en pétales.

Cette floraison psychédélique monte vers le ciel mais le lourd toit en pente raide pèse sur elle et la ramène sur terre. Ce faîtage est un beau couvercle à deux niveaux, aux tuiles bicolores (vert et ocre, comme le soubassement) et qui fait penser un instant à l'architecture de type arabo-andalou, d'autant plus qu'il surplombe du côté nord un bassin grouillant de grosses carpes japonaises et entouré de plantes grasses.


Les deux tympans au-dessus de la porte sont décorés de plats en porcelaine chinoise. Au bord des toitures se balancent ces clochettes ingénieusement siamoises, au battant desquelles est accrochée une fine plaque métallique en forme de feuille de ficus religiosa (l'arbre dit 'du Bouddha') qui s'agite au gré du vent. De fiers Nagas (serpents mythologiques) se dressent sur les pignons. Les contrevents épais, ponctués de nénufars éclatants, sont coiffés de diadèmes richement garnis. L'ensemble est fortifié par de somptueux pilastres à chapiteau.

On accède à l'entrée de la chapelle par un double escalier carrelé de tomettes et gardé par deux petits lions chinois sculptés dans la pierre. Le modeste perron, sous son porche ouvragé, sert de vestibule et on est prié de se déchausser avant d'entrer.

L'enchantement se poursuit céans au-delà de toute espérance. On aperçoit d'abord une collection d'icônes de la Vierge à l'enfant mais ces quelques portraits emblématiques de l'Église orthodoxe sont vraiment minoritaires par rapport à l'ensemble des peintures décorant la chapelle.

Car les murs du sanctuaire sont entièrement couverts de fresques retraçant la vie et l'enseignement du Christ, et, divine surprise, c'est une véritable bande dessinée géante directement inspirée des peintures murales siamoises du 19ème siècle. Tout y est, de la grotte de la Nativité jusqu'à l'Ascension, en passant par tous les évènements décrits par les évangélistes. On reconnaît aisément l'appel des premiers disciples (dont Simon-Pierre le pêcheur), les noces de Cana et la multiplication des pains, mais les scènes sont transposées dans un cadre typiquement thaï. Le baptême du Christ par saint Jean-Baptiste (supervisé par la colombe de l'Esprit Saint) a lieu au pied d'une chute d'eau telle que les Thaïs affectionnent particulièrement pour les week-ends en famille (même de nos jours), et plus loin, devant le palais du sanhédrin, les murs crènelés évoquent le domaine royal de Rattanakosin. Les quatorze stations de la croix sont mises en scène dans une ambiance résolument asiatique.

Tous les personnages figurés portent les vêtements et les coiffures à la mode en pays de Siam, et les différentes corporations artisanales sont représentées. Le mobilier  sacerdotal est également de facture indigène: l'autel est en forme de plateau cérémoniel bouddhique et l'ensemble constitue un très bel hommage à la culture locale.

Au-dessus de l'autel, Jésus monte au ciel dans un chariot tiré par quatre chevaux blancs aux brides lâchées et qui ressemble étrangement à celui de Krishna dans le Mahabharata (l'épopée hindoue). Dans son ascension, en guise de séraphins, le Christ est entouré de «thephanom» (anges-dévots) nimbés d'une auréole rappelant la feuille sacrée du ficus. Le plafond est constitué de grands panneaux de bois constellés d'étoiles empruntées au symbolisme bouddhique. Plus terre à terre, on peut regretter les chaises métalliques pliantes qui jurent un peu dans ce décor allégorique.

Il n'y a que quelques vitraux, mais deux (à l'arrière, symétriquement disposés) sont exceptionnels par leur esthétique moderne et les sujets représentés puisqu'il s'agit de Phra Ram (le héros du Ramakhien) avec à ses pieds un Yaksha (démon bienveillant qui écarte les mauvais esprits). Les autres vitraux (de taille plus réduite) représentent des «thephanom». Selon M. Taweep Anussassanee (l'un des huit artistes thaïs de la chapelle), le Père Brennan leur avait laissé carte blanche pour le choix des thèmes à traiter sur ces supports.

Petit clin d'œil ironique : sur le chemin de croix, les soldats (romains, dans l'Évangile) ont été habillés et équipés avec l'attirail militaire des armées birmanes (contre qui les Siamois ont une vieille dent)…

Il y a une prière en thaï au-dessus des scènes de crucifixion qui n'est autre que le Pater Noster. Au plafond, à gauche au-dessus de l'autel, une banderole déroule une citation biblique : rao keue pratchao khong thaan ("Je suis le Seigneur ton Dieu", Exode 20,2). Derrière l'autel, au bas du mur, on trouve les noms des huit artistes qui ont participé à cette réalisation somme toute exceptionnelle.

Et c'est bien le Père Brennan qui a dirigé et supervisé les opérations, concevant, corrigeant, modifiant et approuvant tout au long des travaux. Une chapelle à la mesure de sa grandeur d'âme et dévoilant sa face cachée. Une œuvre dont il était extrêmement fier, et on le serait à moins. Le Père avait voulu que les sermons et les allégories soient ainsi illustrés pour élever l'esprit des fidèles et faciliter la compréhension des néophytes, en particulier des plus jeunes. La réalisation a duré 2 ans : de 1982 à 84. Une fois cette petite merveille achevée, c'est là qu'il disait la messe tous les matins.

Dans la filiation, les antécédents directs sont le Wat Arun (Temple de l'Aube, Thonburi, Bangkok), l'église du Holy Redeemer (appelée Wat Mahathai, située Soi Ruamrudee, Bangkok) et l'église de St Nikolaus (sur Sukhumvit, Pattaya).

     Officiellement, la chapelle est dédiée à St Clément Hofbauer (1751–1820). C'était un Rédemptoriste et le modèle idéal du Père Brennan. Il avait fondé un orphelinat et une école pour handicapés aux tous débuts de la congrégation.

Destinée aux retraitants et aux prêtres de la communauté locale, cette chapelle leur permet de célébrer la messe sans se déplacer jusqu'à l'église St Nikolaus, éloignée de plusieurs centaines de mètres. Les visites sont donc permises, mais en préservant la sérénité des lieux.

Raymond Vergé

Comment s'y rendre :
Le domaine des Rédemptoristes est situé sur Sukhumvit, entre Pattaya Klang et Pattaya Nua, sur le côté gauche (ouest) en remontant du sud vers le nord. On passe d'abord devant l'église de St Nikolaus et quelques centaines de mètres plus loin, on aperçoit la grande plaque (Redemptorist Center) à l'entrée.

Sortie en librairie de la version française de la biographie du Père Brennan :

Cette biographie du Père Raymond Brennan a été autorisée par la famille Brennan et la Fondation du Père Ray. Les profits de la vente du livre seront versés à la Fondation Thomas J. Vincent, établie en Thaïlande et administrée par la Fondation du Père Ray pour assurer les frais d'études supérieures des enfants à ses soins.

© The Thomas J. Vincent Foundation 2005, Honolulu, Hawai

Publié par la Fondation Thomas J. Vincent, Inc., Honolulu, Hawai

ISBN 0-9759284-4-9

Imprimé en Thaïlande par Thai Wantana Panich Press Co., Ltd

Mon but n'est pas de changer le monde, dit un jour le Père Ray. Je ne le peux pas. De grands personnages à travers l'histoire universelle ont déjà essayé. Aucun n'a réussi. Je veux seulement enseigner aux enfants tout juste assez pour qu'ils gardent la tête haute, gagnent leur riz, vivent une vie humaine et heureuse dans ce monde fou et merveilleux qui est le nôtre.


Pattaya City - Transportation around, within and out of Pattaya

http://www.pattayacity.com/transport.html

Église St Nikolaus, Sukhumvit, Pattaya

Le Père Brennan y est enterré...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[crédit photo: Monique Duffau]

[crédit photo: Monique Duffau]

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03/03/2008
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