Kathoeys: le troisième sexe

Reportage de Camille Lamotte et Hélène Vissière,
paru dans Gavroche d’octobre 1999:

La Thaïlande est l'un des pays au monde ou les transsexuels -ou kathoeys- sont les plus visibles et les mieux intégrés dans la société. Vedettes du spectacle, boxeurs, employés de banque, aucune profession qui n'ait ses stars du "troisième sexe". Pourtant, la tolérance des habitants du royaume montre parfois ses limites et les kathoeys souffrent d'une image stéréotypée. Gavroche vous emmène à la rencontre de ces hommes qui ont choisi d'être femme...

Accusés de donner le mauvais exemple aux enfants dans les séries télévisées, obligés de porter un uniforme masculin dans les universités, les transsexuels (kathoeys) subissent depuis quelques mois les attaques répétées du gouvernement, qui sonnent comme autant de rappels à l'ordre. Un vieil adage thaïlandais dit: "fais ce que tu veux, tant que tes voisins l'ignorent". Le message est clair, l'intégration des travestis a ses limites. On ne veut pas encourager ce qui tend à devenir, avec la déferlante de la vague gay, un véritable phénomène.

 

Souvent objets de curiosité, mais aussi de dérision, ils sont également perçus comme une menace dès lors qu'ils outrepassent certaines limites. Paradoxalement, la société thaïlandaise est très libérale quant à l''identité sexuelle. Couturiers, maquilleurs, coiffeurs mais aussi jeunes cadres dynamiques, employés de banque, stars du petit écran, danseurs professionnels ou 'a gogo", pompistes, boxeurs, il semble qu'aucun métier ne soit refuse aux kathoeys. Pourtant, les récentes réactions du gouvernement thaïlandais laissent supposer qu'ils ont atteint la limite de la tolérance affichée par la société.
 

A l'inverse des pays Occidentaux ou les transsexuels appartiennent au monde occulte de la nuit, des paillettes ou de la prostitution, la Thaïlande s'enorgueillit d'une longue tradition permissive. D'ou viennent-ils? Sont-ils plus nombreux ou simplement plus voyants? Peut-on parler d'un phénomène kathoey? Quel rôle social leur est dévolu?
 

Autant de questions aux réponses hasardeuses: il est difficile de les dénombrer, ils changent fréquemment de lieu de travail et ne sont pas organisés en associations structurées. Bref, ils échappent à toute tentative de contrôle, d'encadrement. La banalisation de leurs apparitions sur le petit écran est au cœur même du débat sur les limites de leur intégration au sein de la société thaïlandaise.
 

D'un côté, leur omniprésence dans les soap-operas télé montre qu'ils sont acceptés, qu'ils font partie du quotidien. De l'autre, la télévision, conservatrice par excellence, perpétue le stéréotype à travers l'outrance imposée de leur jeu de scène. Manières, parfois à la limite de l'hystérie, toujours libertins, ils sont classés dans la catégorie des phénomènes étranges, inoffensifs et divertissants qui font de l'audimat. La perception du public n'est pas  près de changer, d'autant que les kathoeys n'ont aucun droit de regard sur leurs rôles et le script.
 

Tout comme les vieilles chansons sur l'amour impossible d'un kathoey pour un beau jeune homme, la télévision célèbre, elle aussi, le triomphe de la "normalité kathoey", celle qui ne fait pas peur, qui ne dérange pas. Rien ne vient troubler cette vision confortable: le kathoey est toujours représenté sous les traits d'une personne outrancière, taciturne, singulière, impulsive et versatile, vivant au jour le jour, sans d'autre but précis que celui de s'amuser.
 

"L'adultère étant considéré comme une faiblesse humaine dont peu sont  à l’abri en Thaïlande chacun est exposé tôt ou tard à se retrouver kathoey dans une vie future."


Pim ou la vraie vie
Pim travaille dans un "salon de mariage". Elle s'occupe de la mise en beauté de jeunes mariés avant leur séance photo. Coiffures vertigineuses et aérées dignes de Dallas pour les femmes, cheveux luisants de brillantine pour les hommes, Pim sait ce que recherchent les clients. D'un œil expert, elle jauge une jeune mariée, épingle un faux chignon par ci, rajoute une plume par là, crêpe énergiquement la frange, donne un dernier coup de spray fixant et tend la glace. Invariablement, la jeune fille s'extasie: c'est tout à fait ce qu'elle voulait. Autour d'elle s'affairent d'autres hommes à l'allure efféminée. Dans ce salon, tous les maquilleurs et les coiffeurs sont homosexuels ou kathoeys. Perdue dans la contemplation du miroir qui lui renvoie le portrait de Sue Ellen, une cliente confie: " Je leur fais plus confiance qu'a des femmes. Ils savent d'instinct ce qui vous va et connaissent toutes les subtilités du maquillage et de la beauté." Image stéréotypée mais qui fait leur succès: les kathoeys sont très recherchés dans les instituts de beauté.

Pim détonne par son allure simple et naturelle: ses longues jambes sont moulées dans un jean un peu délavé, ses cheveux sont lâchés et un maquillage discret vient souligner habilement les traits les plus féminins de son visage, lui donnant un air presque enfantin. Pourtant, la vie n'a pas toujours été tendre avec cette jeune fille de 24 ans. Brouillée avec sa famille depuis l'âge de 14 ans, elle a fui la maison après une scène particulièrement violente avec son père: "Cela fait maintenant dix ans que je suis partie de chez mes parents. Ils ne voulaient pas accepter le fait que je veuille devenir une femme. J'ai vécu chez des amis "lady boys" à Phuket et n'ai plus entendu parler de ma famille jusqu'à l'année dernière. Mon père m'a téléphoné. Il m'a dit que tout était oublié. Mais, depuis, je n'ai plus de nouvelles.

Pim n'a pas cherché à retourner chez elle. Sa vie à Bangkok l'a beaucoup changée: après avoir travaillé comme serveuse dans un go-go à Patong (Phuket), danseuse dans les boites de travestis, elle s'installe dans la capitale à l'âge de 16 ans et suit pendant trois ans la formation au professorat à l'université: "J'avais un ami un peu fou, plus âgé que moi. II m'a appris à coiffer et à maquiller, ca m'a plu. J'ai laissé tomber mes études et j'ai travaillé dans plusieurs salons. Elle baisse un peu la voix et ajoute: "Maintenant, j'ai mes propres clients. En une heure, je gagne plus qu'en une journée ici. Dès que je le pourrai, j'ouvrirai mon propre salon. Ce sera un endroit très moderne et très à la mode." Et Pim aime la mode et les paillettes: elle remporte systématiquement le premier prix de tous les concours de beauté pour kathoeys auxquels elle participe. Elle exhibe des photos fièrement.

Pourtant elle n'est ni siliconée, ni opérée: "Je n'ai pas besoin de ca pour me sentir femme. Je me suis juste fait refaire le nez et les pommettes. J'ai commence à prendre des hormones à l'âge de douze ans. Résultat, j'ai la peau douce comme une femme et une petite poitrine qui me convient parfaitement. De toute façon, mes copains me préfèrent comme ça." Je lui demande, amusée: "Tes copains?" Elle se renverse en riant et me dit sur un ton provoquant: "Oui, j'ai quatre amants en ce moment, un pour chaque semaine du mois." C.L.

 

QUI VOUDRAIT REPRESENTER LES KATHOEYS?

La réalité du phénomène kathoey est pourtant loin de cette vision aseptisée. Au-delà de l'apparente permissivité de la société thaïlandaise, le "racisme" et la méfiance couvent. Victimes du stéréotype de marginal véhiculé par la télévision, ils deviennent suspects dès lors qu'ils tentent de s'en affranchir.

Le scandale survenu, il y a maintenant trois ans, à l'institut Rachaput en témoigne assez bien. Les kathoeys qui suivaient une formation pour devenir professeur se sont presque vus mettre à la porte. En cause, l'influence qu'ils pourraient avoir sur le développement des tendances sexuelles de leurs futurs élèves.

"C'était une atteinte pure et simple aux droits" de l'homme", s'indigne Titiporn Siriphant, professeur en sociologie à l'université Thammasat, Bangkok. Pour elle, la position du royaume envers les transsexuels n'est pas claire: "En Thaïlande, ce que l'on nomme tolérance, dit-elle dans un demi-sourire ironique, c'est le droit de vivre intégré comme un marginal."

Ce n'est pourtant pas le désir de s'intégrer qui leur manque. Aucun signe distinctif de minorité constituée à l'horizon. On est presque étonné du manque de structures, d'associations, ce qui finalement leur interdit tout poids de décision ainsi que l'accès aux carrières politiques. Car enfin, qui voudrait s'identifier aux kathoeys, ou même les représenter. C'est bien la toute l'ambigüité de la situation des kathoeys en Thaïlande. Inoffensifs parce qu'inorganisés, ils ont un rôle qui leur est imparti, en dehors duquel l'influence sociale qu'ils pourraient exercer est considérée comme dangereuse, néfaste, déviante.

"Ce que certains appellent déviance n'est que le produit de la socialisation", explique Titiporn. "La sexualité n'est pas forcement basée sur la dualité homme/femme. II n'y a pas que des opposés, il peut exister des variations: la masculinité, la féminité et même la transsexualité ne sont que des constructions qui peuvent être en permanence modifiées. Certains se sentent menacés par cette dynamique et appellent cela déviance. Ils obéissent à leur propre conception de la nature, à savoir ce qui devrait exister et non pas ce qui existe. Mais une société saine est une société qui accepte et s'enrichit des différences qui la composent, au mépris des pulsions."

 

UNE AME DE FEMME DANS UN CORPS D'HOMME 
Comment expliquer alors la grande tolérance d'une société pourtant patriarcale vis à vis du troisième sexe? La tradition bouddhiste fournit certaines réponses intéressantes: l'existence d'un hermaphrodite serait sans doute à l’origine de cette apparente permissivité. Cette notion est restée très présente en Thaïlande jusqu'au vingtième siècle et se trouve tout naturellement reprise dans l'expression courante de "troisième sexe". L'homosexualité d'un kathoey est expliquée en termes d'hermaphrodisme psychologique, c’est-à-dire "avoir une âme de femme dans un corps d'homme". L'identité sexuelle est soumise à des influences imprévisibles: le sexe change d'une naissance à une autre en fonction du karma. La cloison qui sépare l'homme du kathoey est donc très mince.

Le terme "kathoey" est défini dans les dictionnaires thaïs comme un travesti aussi bien masculin que féminin. Or il est exclusivement conçu dans la tradition populaire comme un homme se travestissant en femme. Les transsexuels sont donc considérés avant tout comme une variété d'homme et non de femme: le kathoey et l'homme (phu-chai) sont considérés comme une même alternative de la masculinité thaïlandaise, même si le kathoey n'envisage que des rapports homosexuels.

Dans une société où les relations sexuelles prémaritales (mises a part celles des hommes avec les prostitués) sont traditionnellement taboues, la socialisation se faisait tout naturellement avec les personnes du même sexe, "Femmes du second type", ils ont été selon une tradition rurale, une alternative sexuelle sans prise de risque pour les jeunes hommes célibataires.

D'un certain point de vue, il était plus acceptable de fréquenter un kathoey que d'avoir des rapports sexuels avec une jeune femme, dont la réputation aurait été perdue si la liaison avait été découverte. II était toléré qu'un homme encore célibataire "visite" des kathoeys sous réserve qu'il abandonne ces pratiques homosexuelles après le mariage. Le contact érotique entre hommes était vraisemblablement largement accepté avant que l'essor de l'économie ne favorise l'expansion de la prostitution féminine dans les zones rurales. C'est ce que révèle le premier film thaïlandais mettant en scène un protagoniste kathoey, Phleng Sut-thai (ou The Final Song). Produit vers le milieu des années 80, il reprenait un des thèmes récurrents de la littérature thaïlandaise: un kathoey amoureux d'un beau jeune homme lui témoignait tout d'abord de l'intérêt, puis s'en détournait, pour aimer une vraie femme". Cela peut éclairer sur le rôle culturel du kathoey en Thaïlande: il fournit une transition sexuelle pour les jeunes célibataires hétérosexuels.
 

"Le royaume fait figure de paradis pour transsexuels:
  les hormones sont en vente libre sur les marchés."
 

TOP MODELES, COIFFEURS, COUTURIERS, INGENIEURS, ARCHITECTES, BUSINESSMEN, ESTHETICIENS, ET MEME MEDECINS...

Mais la tradition et la religion n'expliquent qu'en partie l’ampleur du phénomène. Le progrès médical vient lui aussi à la rescousse du malaise identitaire. Les cliniques de chirurgie plastique ne désemplissent pas et les transsexuels du monde entier affluent en Thaïlande, attirés tant par la renommée des chirurgiens que par le faible coût de l'opération. Le royaume fait figure de paradis pour transsexuels: les hormones sont en vente libre sur les marches, l'opération dure deux heures et demie et coûte de 100,000 bahts dans les hôpitaux publics à 200,000 bahts dans les cliniques privées. Le changement de sexe semble d'une facilite déconcertante. II n'en est rien: soumis a un examen psychologique d'un an, le transsexuel doit faire la preuve qu'il n'est ni un travesti ni un homosexuel égaré. Une commission se réunit pour statuer sur l'équilibre psychologique du patient. Il arrive qu'elle refuse l'opération comme ce fut le cas pour le célèbre champion de boxe thaïe, Parinya Kiatbusaba. Provoquant le monde viril de la boxe en arborant un soutien-gorge sur le ring, Parinya revendique toujours haut et fort l'identité kathoey et le droit à l'opération.

 

Le Dr Preecha Tiewtranon, médecin privé à la clinique Chollada (Sukhumvit) est l'un des grands noms de la chirurgie plastique de Bangkok, avec à son actif plus de mille opérations. Depuis deux ans, il opère huit à dix personnes par mois pour faire face à une demande toujours croissante. Deux fois par semaine, le Dr Preecha renouvelle le miracle. De ses doigts de fée, il transforme un homme en femme. Top modèles, coiffeurs, couturiers, ingénieurs, architectes, businessmen, esthéticiens, et même médecins, nombreux sont ceux qui ont fait appel à lui et se rappellent de temps en temps à son bon souvenir pour les mariages ou les promotions.

 

Une solidarité de médecin le lie à ses patientes: "ce sont des gens normaux, martèle-t-il souvent. Il faut simplement les aider à devenir ce qu'ils auraient du être à leur naissance, des femmes." Et il s'y emploie, en attendant la preuve scientifique que promettent les chercheurs: "Nous voulons convaincre le gouvernement qu'il s'agit-la d'une maladie comme une autre. Je pense personnellement que les transsexuels ont un surplus d'hormones femelles. Cela crée une inadéquation de leur mental avec leur corps. Si nous trouvions un gène de la transsexualité, cela nous permettrait de "soigner" ce mal de vivre bien plus tôt et d'épargner bien des traumatismes et des souffrances.

 

Ce serait également le moyen le plus sûr de les réhabiliter au sein de la société. Ils ne seraient plus perçus comme des déviants et pourraient affirmer leurs droits face à la discrimination dont ils sont victimes dans de nombreux pays, même dans le nôtre, soupire-t-il." Le Dr Preecha n'est pas le seul à mettre en avant l'hypothèse génétique. Des témoignages troublants d'enfants en bas âge, parfois de quatre ou six ans, montrent la précocité de ce sentiment d'appartenance à la gent féminine. Pour le chirurgien, l'environnement familial est hors de cause: "la seule question est de savoir si l'on est avant tout un homme (ou une femme) dans sa tête ou dans son corps.

 

Je pense personnellement que le mental régit le corps. Mon métier et ma vocation sont simples: je dois aider des patients à ne pas devenir fous, à soigner une maladie qui engendre une souffrance qui mène parfois au suicide. II me semble que c'est la le devoir de chaque médecin: soulager, et non pas juger.

 

"SEXUELLEMENT DEVIANTS",
DIT LE MINISTRE DE L'EDUCATION 
Si les kathoeys ont longtemps été acceptés dans la société thaïlandaise, force est de constater que ce n'est plus le cas aujourd'hui. De plus en plus discriminés, ils subissent l'image stéréotypée de personnes bruyantes, incultes, égoïstes et parfois même criminelles. II n'est pas rare d'entendre des hétérosexuels et des gays exprimer leur dégout en parlant des kathoeys. "Le ministère ne permettra pas aux étudiants sexuellement déviants de porter l'uniforme du sexe opposé, surtout à l'Institut Rajabhat destiné à former des professeurs modèles". C'est en ces termes choisis que Somsak Prisananatakul, l'actuel ministre de l'Education, a relancé récemment la polémique des uniformes sur le campus. Plus que l'interdiction elle-même, la désignation volontairement humiliante des transsexuels laisse songeur quant à la tolérance "légendaire" des Thaïlandais. Surtout quand il s'agit du deuxième incident touchant la communauté kathoey en quelques mois. En juin dernier, le scandale éclaboussait cette fois la télévision. Utilisant des termes discriminatoires, le département des Relations Publiques interdisait désormais aux gays et aux transsexuels de jouer dans les séries télévisées, arguant qu'ils donnaient le mauvais exemple aux enfants. Or, il n'a jamais été prouvé que la télévision joue un rôle déterminant dans le choix de la sexualité d'un enfant. Mais ces actes gouvernementaux ont un point positif: ils obligent les kathoeys à s'organiser en structures pour défendre leurs droits. La lutte pour la reconnaissance, qui était jusque-là individuelle, est en passe de devenir collective. [Camille Lamotte]

 

La magie du billard 
Allongé sur la table, Christine, un "Américain" de Floride, est venu tout spécialement en Thaïlande pour subir l'opération qui va changer sa vie. II avait entendu parler du docteur Preecha Tiewtranon aux Etats-Unis. II faut dire la renommée du chirurgien plastique, spécialiste des opérations de transsexuels, et désormais activement secondée par un site internet. On y trouve des photos ainsi qu’une foule de détails sur le déroulement de l'opération. Mais aujourd'hui, on passe à la réalité : un homme va devenir devenir femme en deux heures et demie de temps, un vrai miracle.

Pourtant le chemin jusqu'a la table d'opération n'est pas si facile. "Ils doivent d'abord passer devant un psychiatre chargé de déterminer si on à bien affaire à un kathoey et non pas à un homosexuel efféminé. La prise d'hormones femelles constitue une deuxième étape. Elles peuvent être recommandées par un médecin ou achetées dans un marché, c'est un produit en vente libre. Elles rendent la peau plus douce, stoppent la pilosité et suppriment le désir sexuel. Prises avant la puberté, les hormones peuvent  même adoucir la voix grave qui trahit souvent l'homme derrière le corps de rêve. Pour parfaire ce début prometteur, beaucoup se font poser des implants dans la poitrine. Cela fait patienter jusqu'à l'opération.

"Après un an de ce traitement, le psychiatre examine à nouveau le candidat au changement de sexe pour qu’il confirme son premier diagnostic. Après cette dernière formalité, le patient peut franchir le pas", explique le Dr Preecha, tout en dessinant au crayon le tracé qu'il va suivre avec son scalpel. "Je vais tout d'abord détacher la peau des testicules et du pénis et procéder à l’ablation des testicules. Ensuite, je vais créer un vagin artificiel entre le rectum et l’urètre et je me servirai de la peau du pénis, la plus élastique du corps, pour en tapisser le fond du vagin." Sitôt  dit, sitôt fait. Il détache ensuite l'urètre du pénis et lui aménage une nouvelle ouverture puis ampute le pénis. Enfin, il crée, à partir de la peau du scrotum, les lèvres. "Autour du pénis se trouvent des nerfs que l’on garde avec la peau pour former le vagin. Cela permet au transsexuel de conserver une sensibilité et de continuer à éprouver une excitation sexuelle", conclut le chirurgien. [C.L. et Hélène Vissière]

 
Le Centre MTF (Male to Female, i.e. Transformation Homme=>Femme) est une clinique de chirurgie plastique qui réunit admirablement et idéalement la pratique médicale et l’esthétique. Le Centre est composé d’une équipe de praticiens spécialisés et hautement expérimentés, qui sont capables d’embellir et de transformer en véritables œuvres d’art les anatomies imparfaites… et le rêve devient réalité. [VERSION FRANCAISE]

 

Dossier: Ommy, papillon de nuit 

Ommy est assise à l'entrée du Casanova, un bar du Nana Plaza. Elle se maquille avec les autres "filles" en attendant un éventuel client.


Elle a l'air étonnamment jeune avec son corps fluet de jeune fille qui a poussé trop vite, grande, avec de tout petits seins et des jambes droites comme des cannes.
 

Elle tourne son regard vers moi, et me dit bonjour de sa voix grave: Ommy est un homme.
 

Curieuses, ses collègues défilent près de moi, prenant des poses ultra féminines, allongeant parfois la main jusqu'a mon paquet de cigarettes pour en porter une à leur bouche, façon starlettes.
 

Les voila toutes assises autour de moi, en cercle. Ommy me raconte son histoire pendant qu'elles écoutent, acquiescent, interviennent. "Je me sens femme depuis l'âge de quatre ans. Là d'ou je viens, Phrae dans le nord de la Thaïlande, c'est assez rare les kathoeys. Mes parents n'étaient pas spécialement contents que je me comporte comme une femme mais ils ne m'ont pas chassé, comme c'est parfois le cas". "J'ai même fait des études, ajoute-t-elle fièrement, deux ans d'université de français à Bangkok."
 

"Quand as-tu arrêté tes études?" "II y a huit mois environ. J'avais besoin d'argent. Une copine m'a indiqué ce bar. Je me plais ici. J'ai des amies et je ne suis pas obligée de travailler tous les jours. J'essaye d'économiser un peu d'argent pour me faire siliconer la poitrine. C'est important, c'est la première chose que les hommes regardent chez une femme, me dit-elle sans sourire, au milieu de l'acquiescement bruyant des filles et des rires. C'est assez pour se faire aimer, poursuit-elle. Pour le moment, je prends une pilule contraceptive." Elle soulève son soutien-gorge et observe laconiquement: "mais ça n'est pas spectaculaire." Les filles renchérissent. Certaines ont pu se payer la pose de silicone, pas toutes. Pour gagner de l'argent, il faut plaire et pour plaire il faut investir dans la chirurgie esthétique. C'est leur cercle vicieux. Sur la totalité des filles qui travaillent dans le bar, seule la patronne est opérée. Ommy l'annonce avec une nuance de respect dans la voix, comme on parle de quelqu'un qui a réussi sa vie.
 

Avec environ 10,000 bahts par mois, Ommy ne gagne pas beaucoup mais ne s'en inquiète pas:" Je ne veux pas passer mon temps à travailler. Certaines filles peuvent se faire jusqu'a 50,000 bahts par mois mais ca ne m'intéresse pas. Je veux pouvoir vivre simplement, payer mon loyer et sortir avec mes copines. Je sais que je ne suis pas assez ambitieuse, mais je suis heureuse comme ca."

Comme toutes les entraineuses de go-go, Ommy touche une commission sur chaque verre. Elle touche l'intégralité de la somme que le client lui verse pour une nuit, plus un pourcentage sur le "barfly", un droit a payer au bar pour faire sortir une fille. Soudain, Ommy éclate de rire: "Je me souviens d'un soir ou deux Allemands avaient embarqué trois filles avec eux. Ils les ont payé 4,000 bahts chacune!" Apparemment, de telles occasions ne se présentent pas tous les jours.
 

La patronne, une Chinoise qu'elle n'évoque qu'en français pour n'être pas comprise de ses amies, ne laisse pas sortir les "filles" à moins de 1 000 bahts. II faut dire que les clients sont rares, des habitués pour la plupart et quelques touristes égarés en quête d'exotisme ou ignorants de la spécificité du bar.

 

Comme avant un spectacle, dans les coulisses, les filles se maquillent avec soin, penchées surleur miroir: les faux-cils recourbés et longs comme ceux des poupées, les lèvres d'un rouge violent contrastant avec la pâleur cadavérique du visage. Elles traquent indéfiniment l'imperfection, scrutent leurs modèles féminins. Autour de ces tables, à l'entrée du go-go, des serveurs leur apportent des plats dans un perpétuel va-et-vient, s'assoient quelques minutes avec elles, discutent, détendus. Je demande à Ommy: "Tu as déjà été humiliée par un homme?" Elle me sourit doucement: "Non, mais il est arrivé qu'on m'apostrophe dans la rue, qu'on me traite de kathoey. Je leur ai pardonne parce qu'on voyait bien qu'ils n'avaient pas fait d'études." Rhétorique digne et sans appel. Quand les kathoeys nous donnent des leçons de tolérance...

 

Les kathoeys vus par leurs amants

Dans les années quatre-vingts, le magazine gay Mithuna Junior publiait les questions de lecteurs angoissés par leur différence, à la recherche de leur identité, dans la fameuse colonne d'Uncle Go. C’est ainsi que l’on y retrouve plusieurs témoignages d'hommes ayant eu une relation avec une copie. Bien qu'il les conseille et écoute leurs histoires avec le plus grand intérêt, Uncle Go ne cesse de mettre en garde les jeunes: il ne faut pas tenter inconsidérément certaines expériences, car il est parfois difficile de faire marche arrière. L'attrait et la fascination pour les kathoeys prennent une dimension délicieusement dangereuse et il ne semble pas certain d'en revenir. En effet, la copie concurrence parfois farouchement l'original.

 

LETTRE DE PRASOPKAN THANG PHET DANS MITHUNA JUNIOR, 1984 
"Tous les ans le comité du temple préparait de nombreux divertissements: des films, des danses folkloriques thaïlandaises, de l'opéra thaïlandais et... un concours de beauté pour les "femmes du second type". Ce spectacle était particulièrement populaire et beaucoup de gens se déplaçaient pour y assister. Cette année-la, mes amis et moi sommes allés voir le concours. Vers minuit, le présentateur a annoncé: "C'est maintenant le moment de commencer". Un copain s'exclama: "Allons y, ca a l'air amusant" et il nous poussa vers la scène. Nous criions et chahutions beaucoup. Chaque participante était assez belle pour nous aveugler et nous donner envie d'y regarder de plus près. Pour le second round, elles défilaient en maillot de bain. Au dernier round, il ne restait que sept finalistes dont la "femme" que je préférais. Quand je l'ai vue marcher doucement pour recevoir la décision du juge, je me suis rapproché le plus possible du devant de la scène. Plus je me rapprochais d'elle et plus sa beauté m'impressionnait. Elle portait un maillot de bain bleu-nuit qui cachait à peine ses seins doux et blancs. Elle avait un visage rond mais ferme, une taille fine, des hanches magnifiques et des jambes blanches. Rien dans son visage ne laissait deviner qu'elle était un homme. Au fond de moi, je sentais qu'elle me plaisait de plus en plus. Cela m'était bien égal qui elle était. Pour moi, elle était une femme. Alors qu'elle marchait tout près de moi, je lui tendis une rose. Elle se baissa pour la prendre et nos yeux se rencontrèrent. Elle me sourit gentiment et mon cœur fit un bond dans ma poitrine.

"Si ce n'est pas trop vous demander, me susurra-t-elle à l'oreille en acceptant la rose, rencontrons-nous plus tard sur la jetée." J'acceptai'. Vint alors le moment le plus excitant du concours. Les juges lui remirent le premier prix. J'étais fier et heureux d'avoir rendez-vous avec elle.

Quand le concours fut terminé, je fis en sorte d'être séparé de mes amis par la foule et m'esquivais. Je ne voulais pas qu'ils soient au courant, ils se seraient moqués de moi. J'attendais depuis un court moment sur la jetée, quand elle apparut, toujours vêtue de son maillot de bain. Elle sourit et posa ses mains sur mes épaules. Nous parlâmes un peu, puis je l’invitai à la maison. Elle accepta sans hésiter.

J'avais de la chance: ce soir, tout le monde était à la fête. J'allumais une lumière rouge. Notre leçon d'amour commença (...) je l'embrassais des pieds à la tête, elle était très attirante et il m'était bien égal qu'elle ait la même chose que moi entre les jambes. J’atteignais le paradis dans ses bras. Depuis cette nuit, nous avons une relation secrète et je n'ai pas connu d'autre femme qu'elle."

 

LETTRE DE SAMNEUK, DANS MITHUNA JUNIOR, 1984 
"La nature nous façonne en homme ou en femme, mais alors pourquoi de nos jours les hommes vont avec les hommes et les femmes avec les femmes? Dieu seul sait. Je suis un de ceux qui "ont été" avec un homme. Je viens de la campagne. Mon père est paysan et ma mère est morte quand j'étais tout jeune garçon. Mon père m'a envoyé faire mes études à Bangkok pour m'offrir de meilleures perspectives d'avenir. Quand je suis arrivé à Bangkok, j'étais très heureux de m'installer dans la belle capitale. J'ai loué une chambre dans un dortoir, à deux pas de la maison de personnes riches. Le premier jour, j'ai rencontré un homme qui s'habillait en femme, ce qu'on appelle un "kathoey", assis sur le perron de la maison. II me suivait des yeux et me souriait mais je n'étais pas intéressé. Un jour pourtant, je "la" rencontrai au marché. Elle vint à moi et me parla très poliment, me disant que je lui avais plu depuis le premier jour de mon arrivée. Mais ce qu'elle pouvait dire ne m'intéressait pas. Je trouvai une excuse et rentrai chez moi. Je ne la vis plus pendant un long moment: j'avais presque interrompu mes études pendant la saison des pluies car mon père n'avait plus d'argent à m'envoyer: son champ de riz avait été complètement inondé; puis je trouvai un petit travail après l'école, ce qui fait que je ne la croisais plus.

Mais un jour de congé, je la rencontrai par hasard. Elle vint me rendre visite au dortoir, me demanda pourquoi elle ne me voyait plus ces derniers temps. Je lui dis que je travaillais tous les après-midi. Elle parut désolée et me donna de l'argent de poche ainsi que le montant de mon loyer. Elle me dit que c'était pour que je continue mes études sans avoir à travailler. J'étais très touché de sa gentillesse. Elle vint ensuite chaque après-midi pour parler avec moi et je commençais à m'intéresser à elle. Je lui ai alors demandé pourquoi elle voulait devenir une femme et elle me répondit que son père ne lui avait jamais témoigné d'intérêt, que seule sa mère lui avait montré de l'affection.

Un jour, ses parents durent se rendre à l'étranger, la laissant seule avec les domestiques. Elle m'invita chez elle. Je ne pouvais pas refuser car je me sentais endetté vis-à-vis d'elle. Elle m'annonça que cette nuit elle me rendrait très heureux, qu'elle me donnerait une leçon sur l'art d'aimer. Elle me donna beaucoup de plaisir. Je suis resté deux mois avec elle et nous continuâmes nos leçons jusqu'a ce que je ne puisse plus me passer d'elle. Je ne sais pas si je me marierai un jour avec une femme; elle m'a dit qu'elle voulait se faire opérer pour que l’on puisse vivre ensemble."

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04/06/2011
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