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[Cinéma] Guy Tabellion: l’interprète des interprètes

Après le tournage de Chok Dee en 2004, Xavier Durringer est revenu cette année [2006] sur les lieux de son film pour y tourner un autre long-métrage, Up to you (rebaptisé «Lady bar»). Cette fois encore, il a fait appel à Guy Tabellion, un assistant réalisateur devenu incontournable sur les plateaux du cinéma francophone en Thaïlande. Nous l'avons rencontré au Mercure Hotel, lors d'un repérage à Pattaya.

Gavroche: Vous avez 38 ans. Depuis combien de temps résidez-vous en Thaïlande?
Guy Tabellion:
J'y suis venu la première fois en vacances il y a presque 20 ans, en février 1987, mais si je mets les années passées ici bout à bout, cela ne fait que 15 ans. Avant de travailler pour le cinéma, j'ai un peu tout fait: restauration, import-export… J'ai même importé et distribué en Thaïlande les fameux pointeurs au laser. De 94 à 97, j'allais à Taipei deux fois par semaine en acheter par milliers! Mais en 1997, la crise asiatique m'a frappé de plein fouet, la valeur du baht a été divisée par deux, passant de 25 bahts pour 1 dollar, à 50 ! Je payais mes produits en dollars à Taiwan. J'ai continué un peu vers la France et puis plus rien…

      

Gavroche: Comment vous êtes-vous retrouvé sur un plateau de cinéma?
Guy Tabellion:
Par hasard! Et parce que je parlais correctement le thaï. En 2003, me trouvant pour un rendez-vous à l'Alliance française de Bangkok, j'ai consulté machinalement le tableau des petites annonces. J'y ai trouvé un papier annonçant que Jean-Jacques Annaud venait tourner un film (Deux frères) et qu'il recherchait des interprètes franco-thaïs. J'ai appelé (en thaï...) et on m'a demandé de venir au siège de la production du film. Arrivé sur place, surprise, ils s'attendaient à un Thaï francophone et ils ont vu débouler un Français «siamophone». J'étais le seul parmi d'autres candidats thaïlandais qui étudiaient la langue française. J'ai été engagé presque par défaut! Après m'avoir mis un peu à l'épreuve, l'équipe du film - déjà très soudée car ils arrivaient du Cambodge où ils avaient tourné pendant six mois - m'a petit à petit laissé prendre une place importante dans le film, à la mise en scène, ce qui n'est pas rien quand on sait que certaines scènes comportaient 400 figurants et que je devais diriger tout ce beau monde en thaï principalement, mais aussi en anglais et en français.

      

Du métier d'interprète, je suis passé à celui d'assistant réalisateur, et là, une histoire formidable a commencé pour moi. Je participais à des réunions où de grandes décisions sur le film étaient prises, et moi, sans aucune expérience, j'étais assis à la même table que Jean-Jacques Annaud et toute son équipe. Quand on est à la mise en scène, on participe vraiment à la réalisation du film, on est sous le feu des projecteurs, et au début, quand je voyais le travail que j'allais avoir à faire, j'étais assez nerveux, voire même effrayé! Mais après, au moment de tourner, tout était tellement bien préparé que la peur et les anxiétés disparaissaient. Tout le monde était hyper concentré, aucun dérapage n'était envisageable et finalement tout s'est bien passé.

      
[Avec Jean-Jacques Annaud]

Avec Deux frères, l'aventure dure ainsi deux mois. Je rencontre des acteurs connus, on se fait la bise, on se tutoie, le cinéma, c'est une grande famille, comme ils disent! Christophe Cheysson, le premier assistant, m'a beaucoup appris. On parlait beaucoup matin et soir dans le minibus en allant sur les lieux du tournage et au retour. Dès le début des scènes que nous avons tournées en Thaïlande, l'équipe me poussait à être à côté de Jean-Jacques Annaud, pour l'assister. J'étais mal à l'aise car c'était bien trop rapide pour moi. J'avais peur de me louper, car je n'avais pas le temps d'apprendre quoi que ce fût, j'essayais d'être au maximum à l'écoute et d'anticiper. Apparemment, anticipation et réaction sont les règles d'or sur un plateau de cinéma.

      
Guy Tabellion (au milieu, en jaune) avec, entre autres, Jean-Claude Dreyfus
et Philippine Leroy-Beaulieu, sur le tournage de «Deux frères»

Gavroche: Pour un bout d'essai ce fut un bout de maître! Vous devez certainement avoir de nombreux souvenirs?
Guy Tabellion:
Ce tournage reste un grand souvenir, surtout que plus tard, après avoir travaillé avec d'autres équipes, j'ai pu me rendre compte que c'était un film assez exceptionnel, le premier tourné en caméra numérique en extérieur. Il y avait en permanence quatre caméras qui tournaient à chaque scène, plus une montée sur grue qui était là au besoin et enfin une autre, que l'on appelle «motion control», qui ressemble plus à un appareil médical qu'à une caméra. Il faut dire que tourner un film avec des (gros) tigres demande beaucoup d'organisation et de sécurité; souvent, des cages étaient montées et les cameramen et moi-même étions à l'intérieur pour filmer et travailler alors que les tigres rodaient autour de nous. Spectaculaire de voir ces énormes bêtes de 200 kilos se déplacer et faire des bonds comme si c'étaient des petits chatons. Le rugissement aussi est très impressionnant, mais ce qui l'est encore plus, c'est de voir le dresseur au milieu d'eux, sans protection, leur parler comme d'homme à homme, mais avec une fermeté extrême.

      
[Thierry Le Portier]

Gavroche: Comment avez-vous réussi à vous faire un nom dans le milieu?
Guy Tabellion:
Par la suite, ce sont les dirigeants de Cineflash, une boîte de production française de Bangkok, qui ont entendu parler de moi et qui m'ont contacté en 2004 pour travailler sur le film de Xavier Durringer, Chok Dee, comme simple interprète de plateau. Mais la ligne est mince entre ce travail et celui d'assistant réalisateur, surtout que là, le premier assistant était thaïlandais, et pour le réalisateur, il était plus pratique de communiquer en français. Aujourd'hui, ce même réalisateur m'a demandé d'être son premier assistant pour Up to you. Entre temps, j'ai été interprète assistant sur des publicités pour Pulco à Phuket, Garnier à Bangkok, un Vidéo-clip à Hua Hin et sur une partie du film de Marc Esposito, Toute la beauté du monde, à Chiang Mai (film sorti en février 2006). Toujours des rencontres intéressantes avec des acteurs connus (le chanteur Marc Lavoine) qu'on a ainsi l'occasion de fréquenter «hors champ».

      

Gavroche: Comment se prépare un tournage à votre niveau? A part lire le scénario, quelle est votre première démarche?
Guy Tabellion:
Cela dépend beaucoup des réalisateurs: certains ont tout réfléchi et préparé - ils savent exactement ce qu'ils veulent, où ils le veulent - et d'autres laissent plus de choix à l'équipe. Après avoir lu le scénario, je contacte l'équipe, puis commence la recherche des différents sites selon les scènes: endroits calmes ou pas (pour le son), place pour garer tous les véhicules... Nous faisons régulièrement des réunions pour voir où en sont les choses car il faut anticiper pour éviter les problèmes qui arriveront de toute façon, plus ou moins graves.

      

Gavroche: Où vous situez-vous par rapport au metteur en scène, aux techniciens, aux comédiens?
Guy Tabellion:
C'est surtout un travail de coordination sur les différents plateaux entre chaque poste, pour le bon déroulement des scènes à tourner avec des figurants. Le fait d'être le seul français dans l'équipe à parler thaï, à vivre ici fait que ma tâche va bien au delà de mon rôle initial: on peut me demander tout et n'importe quoi, cela va de la crème anti-moustique à l'endroit où l'on peut acheter des téléphones portables, en passant par des coups de fils en thaï pour débloquer une situation personnelle d'un membre de l'équipe! Je suis un peu Monsieur Soleil, et s'il pleut, c'est souvent de ma faute... Je plaisante, mais il me faut parfois écarter certaines requêtes qui ne sont pas dans le cadre de mon travail et qui, avec un peu de bon sens, peuvent être facilement réglées par la personne qui me le demande. Récemment, on m'a téléphoné en pleine nuit pour trouver un docteur qui se déplace, car un des Français de l'équipe avait mal au ventre. J'ai fait ce que quiconque aurait très bien pu faire en l'occurrence: téléphoner en anglais à la réception et demander qu'ils fassent venir un médecin dans la chambre du malade. Mais il y a un confort à s'adresser à moi en français de la part de l'équipe francophone, tout comme il y a un confort de la part des Thaïlandais de l'équipe à s'adresser à moi en thaï, même si la personne avec qui ils souhaitent communiquer est juste à côté d'eux et que tous deux parlent très bien anglais et se comprennent!

      
       [Avec Xavier Durringer sur le tournage d'Up to you/Lady bar à Jomtien]

Gavroche: Quels sont pour vous les bons et les mauvais côtés d'un tournage?
Guy Tabellion:
J'aime ce métier, surtout lorsque nous tournons en extérieur. J'aime faire de la mise en scène. J'aime moins quand le réalisateur fait des changements de dernière minute, ce qui arrive pourtant très fréquemment, mais c'est normal et inévitable. C'est un milieu de fumeurs, je ne fume pas, je n'ai jamais fumé et cela me dérange beaucoup. Un autre côté dérangeant, c'est bien sûr l'égo des gens de ce métier, qui est grand et parfois difficile à gérer…

      
   [Xavier durringer (+ G. Tabellion) dirigeant les acteurs Eric Savin et Bruno Lopez]

Gavroche: Comment cela se passe-t-il avec les professionnels du cinéma thaïlandais, des figurants aux producteurs?
Guy Tabellion:
On peut dire que ce sont des pros, ils remplissent bien leur tâche. Il y a ici une vraie industrie du cinéma.

      
[Clap !]

Gavroche: Quelles sont difficultés particulières liées à des tournages en Thaïlande?
Guy Tabellion:
Parfois, des malentendus ou des réactions lentes, mais c'est très rare. Par contre, ici, il faut prendre vraiment en compte les heures de repas. Quand les Thaïlandais ont faim, ils vous le font savoir très vite et mieux vaut manger à l'heure car sinon le travail sera négligé. Mais à part ça, on peut tout leur demander, ils sont très serviables sur le plateau.

      

Gavroche: Quelles sont vos ambitions ou vos projets?
Guy Tabellion:
Continuer, aller dans le même sens, faire d'autres films, apprendre encore sur ce métier formidable…

Propos recueillis par Raymond Vergé

Pour référence, voir notre entretien avec Xavier Durringer dans le Gavroche nº133 de septembre 2005 ou sur le blog "Vignettes de Thaïlande":
http://vignettesdethailande.blog4ever.com/blog/lirarticle-185176-689409.html
et celui de Thierry Le Portier par Frédéric Amat dans le Gavroche nº118 d'avril 2004.

Christian Clavier en Thaïlande 

pour le tournage de son premier film

BANGKOK (AFP) - 03/03/11

Le comédien Christian Clavier est en Thaïlande où il va commencer à tourner son premier film comme réalisateur, une comédie avec son vieux compère Jean Réno prévu en salles à la fin de l'année, a-t-on appris auprès des autorités thaïlandaises.

Photo datée du 23 novembre 2007 de l'acteur Christian Clavier au palais de l'Elysée à Paris

"Le tournage doit en principe commencer le 7 mars", a indiqué Wanasiri Morakul, directrice du Bureau du cinéma de Thaïlande. "Ils viennent d'obtenir les autorisations".

Clavier est aussi la tête d'affiche du film et son producteur, en partenariat avec les "Films du kiosque" qui ont confirmé à l'AFP le début imminent du tournage.

Il sera associé à l'écran, outre Jean Réno, à Muriel Robin et Hélène Noguerra.

Selon Wanasiri, le scénario les emmènera dans la station balnéaire de Krabi (sud), ainsi que dans l'ex-capitale du royaume de Siam, Ayutthaya, au nord de Bangkok, qui abrite des temples dont certains remontent au XIVe siècle.

En décembre déjà, le réalisateur et producteur Luc Besson avait tourné en Thaïlande des scènes d'un film sur l'opposante birmane Aung San Suu Kyi, interprétée par la star hollywoodienne Michelle Yeoh.

La comédienne d'origine malaisienne et ex-James Bond girl, l'une des actrices les plus connues du continent asiatique après notamment les "Mémoires d'une Geisha", sera la tête d'affiche du film "Dans la lumière". © 2011 AFP



10/03/2008
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