Anaïs dans les jardins du Siam

Février 2010

La chanteuse (auteur-compositeur-interprète du Cheap Show et du Love Album) a passé quelques jours au pays des éléphants, des orchidées et des millions de rizières (Lan-na). Nous l'avons rencontrée au terme de son séjour entre mer et montagne (Samui et Chiang Rai).

Difficile de ne pas tomber sous le charme, lorsqu'on l'accueille à descente de l'avion pour un entretien improvisé, sur la recommandation d'un ami commun. Nous sommes à Suvarnabhumi (littéralement: l'Eldorado, en sanskrit). On s'installe sur une terrasse, devant un espace à ciel ouvert, exposant des reproductions de barges royales et entouré d'une mini jungle [forcément] tropicale. Avec sa dégaine d'éternelle adolescente décomplexée, elle touille consciencieusement son milk-shake au thé vert avec une paille.

Question nunuche [du journaleux]: Alors, la Thaïlande, c'était comment ?

Anaïs: Eh bien, je savais qu'on appelait ça le Pays du sourire et c'est vrai que j'ai vu des gens adorables, hyper accueillants, toujours en train de faire des blagues et de rigoler. J'étais déjà venue en escale il y a 15 ans. Cette fois-ci, après une longue tournée en France et des sessions d'enregistrement à San Francisco (chez Dan the automator!), j'avais vraiment besoin de vacances très reposantes et je crois que c'est le pays où les gens sont les plus cools que j'ai jamais vus. Il y a une vraie douceur, des rapports tous simples, spontanés, naturels et authentiques. Je serai de retour en France demain matin et l'atterrissage va être assez dur, à mon avis (rire à peine réprimé)…

2ème question bateau: Que pensez-vous de la musique thaïlandaise ?

Anaïs: je suis assez bon public et d'emblée, ce que je trouve génial, c'est qu'il y a du «live» assez souvent. Même si ce n'est pas forcément bon, ça joue tout le temps, il y a des orchestres partout, et ça c'est super agréable, parce que, en France, c'est difficile à trouver, alors qu'ici, dans n'importe quel bar, il y a des musiciens qui se la donnent. Et puis, il y a du bon niveau quand même: je regardais les chaînes de télé thaïlandaises et il y passe beaucoup de musiques. Il y a vraiment un gros mélange, on sent que ce n'est pas fermé, il y a des influences rock et pop des années 50, 60, 70, et avec toujours cette touche de cha-cha-cha. J'ai vu des clips qui tenaient la route. Il y a un aspect kitsch mais je trouve que la pop est plus aboutie qu'en France. De toute façon, il n'y a plus de pop en France! Ici, ils se débrouillent plutôt bien, mais ça reste gentil. Ce n'est pas très rock 'n' roll. Malgré le côté copié-collé, c'est bien fait, mais je n'ai pas non plus réellement flashé sur des artistes thaïlandais, à part une chanson [qui s'est posée au creux de mon oreille et] que j'ai chantée pendant 10 jours mais dont je ne connais pas le titre et qui devait être un tube il y a 10 ans…


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Le mec qui débarque: Pourquoi donc le Cheap Show, au fait ?

Anaïs (adulte et vaccinée): Le Cheap Show c'était uniquement avec une guitare et une pédale de « sample » utilisés en « live » uniquement pour la voix. Je l'ai appelé Cheap Show, parce que je ne tenais pas à le franchouillardiser. Ca partait dans tous les sens et comme je mélangeais tout, j'ai préféré mettre un titre international, et en même temps c'était vraiment minimaliste, je cherchais à emmener les gens très loin avec pas grand-chose, et je ne voulais pas qu'on me le reproche. Comme ça, si on me disait « Il est pourri ton show » et bien je répondais « Ouais, c'est le Cheap Show! (i.e. le spectacle à deux balles) ». Et c'est avec ça que je me suis fait connaître en 2004/2005.

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Question du reporter amateur: Votre actualité [du moment!] ?

Anaïs: Bon là, je viens de finir la tournée du Love Album (67 dates en 2009, entre fin février et début décembre!) et il y a le Love album en anglais qui va sortir (et d'ailleurs, pour les 'expats' le Love Album est sur Itune:

http://itunes.apple.com/us/artist/anais/id80869029). Je suis aussi en train de finir le dernier clip du Love album (titre: I love you) et je prépare tout doucement le troisième album qui va être complètement différent.


Et puis, il y a un «live» qui va sortir aussi et qui a été enregistré aux Francofolies de la Rochelle cet été. Euh, c'est déjà pas mal comme actu, non ?!

 
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Le gazetier sort un joker, tout fier: Pourquoi Dan the Automator ?

Anaïs (placide): Il avait fait un album que j'adorais et qui s'appelait Lovage, avec Mike Patton et Jennifer Charles, qui est assez culte en fait. Le son, la chaleur dans la voix et l'humour qu'il y avait dans cet album, c'était très organique, très sensuel, ça correspondait parfaitement au Love album. Il a tout de suite compris et répondu direct après avoir écouté le Cheap Show et mes démos. Il a dit « Elle me veut à cause du Lovage et pas du Gorrillaz ». Tout le monde le veut depuis Gorrillaz ! Il avait tout de suite compris que c'était un projet particulier. Pourtant, je lui ai donné des démos pathétiques, c'était vraiment du GarageBand et comme je ne maitrise pas bien, je faisais la basse avec la voix, je bidouillais, j'enregistrais une flûte à bec, sur ''week-end'' par exemple. Il m'a dit « Zéro problème ! ». Il travaille beaucoup de bric de broc, alors qu'en France, il faut faire des démos superbes, bien peaufinées. C'est une autre approche…

La question qui tue: Racontez-nous la genèse d'une chanson…

Anaïs (stoïque): Je suis incapable d'analyser comment je fais pour écrire une chanson! C'est souvent un thème qui vient ou une phrase choc qui résume vraiment toute la chanson, et puis ça tourne autour, ça se construit au fur et à mesure, ça vient petit à petit. J'ai toujours besoin d'avoir un thème très fort et/ou une phrase forte pour écrire la chanson, elle vient souvent avec une mélodie au départ, et c'est tout qui arrive en même temps. Des fois, je prends ma guitare en me disant « Allez, je vais en écrire une ! », et bien non, ça ne marche pas comme ça, il faut qu'il y ait quelque chose de très fort qui m'a marquée, donc je ne sais pas comment ça vient initialement. Pour la finir, par contre, j'ai la technique je peux l'analyser. Je compose avec mon petit GarageBand sur mon Mac. Les Français seraient surpris de voir comment je travaille, mais les Américains s'en fichent royalement. Eux, tant qu'ils comprennent la direction...


Le pisse-copie sort ses fiches et demande une exégèse aléatoire: Dans « Je voudrais partir en week-end », il est question de Mandalay et du bain des éléphants: comment se fait-ce ?

Anaïs: en fait, j'en avais rêvé il y a des années, en écrivant cette chanson, et j'ai pu enfin, pendant ce séjour, assister aux ablutions pachydermiques, non pas en Birmanie, mais tout à côté. Sardou a bien chanté le Connemara sans jamais y avoir mis les pieds. Et lorsque, au cours d'une interview, un journaliste demanda à Blaise Cendrars s'il avait effectivement pris le Transsibérien comme il le relatait dans un de ses romans, il avait répondu «Qu'importe, du moment où moi je vous l'ai fait prendre... ». Mais il y a toujours une grande satisfaction à vivre ce que l'on avait seulement imaginé.

Dans la chanson « La plus belle chose au monde », il y a des paroles assez crues (j'vais latter mon cul, j'vais l'exploser, tu sors ou je te tue sale moufflet…).

Anaïs: J'aime bien gratter le vernis. C'est pour dire que, parfois, il y a des mères qui vivent mal leur grossesse, qui sont très mal accueillies dans les maternités, ou dont l'accouchement ne se passe pas très bien. On dit que c'est la plus belle chose au monde, certes mais... j'ai demandé à mes potes « Ca vous fait rire, ça correspond? », car je n'avais pas eu cette expérience-la, et elles m'ont dit « C'est bon tu peux y aller! ». Je me suis rendue compte que c'était assez libérateur pour certaines femmes, ce texte…

Et la chanson « Christina » qui dit « sans les couilles, tu serais peut-être moins con »…

Anaïs (débonnaire): j'ai vraiment voulu faire une chanson sur comment on peut être odieux quand on est en plein largage. Inconsciemment, je crois que j'ai été aussi inspirée par la chanson de Souchon « Jimmy », avec l'infirmière à la fin. C'était pour dire que le pire n'était pas encore arrivé, mais le voilà…

L'interloqué: BB Baise-moi, c'est du premier degré ?

Anaïs (compatissante): Je trouve qu'il n'y a pas assez de chansons sexy, on fait des chansons d'amour, toujours dans un langage assez littéraire, dans la description et là j'ai voulu faire un truc sur le moment, genre « let's go baby » (allons-y ma poule).


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Le chroniqueur anachronique: Les débuts, c'était comment ?

Anaïs (impavide): Avant j'étais dans un groupe qui s'appelait «Opossum». Pourquoi ce nom ? Parce que d'après le dictionnaire, c'est un animal recherché pour sa fourrure beige à jarre argenté. Sa queue préhensile et glabre lui permet de se pendre pour s'accoupler la tête en bas… Cela correspondait au côté déjanté de la formation (nous étions quatre). Les autres continuent dans des voies différentes. J'ai travaillé avec le guitariste (Christophe Rodomisto) sur un spectacle qui s'appelait «The Amber Story», dont j'ai tiré la chanson « I Love You ». Le batteur (Jean-Philippe Barrios) fait encore des choses expérimentales, il accompagne des spectacles de danse. Le guitariste aussi fait de la musique expérimentale et le bassiste (Gaël Charles) mène sa vie dans le Sud de la France. Une fois l'orage passé, on est resté en bons termes. C'est quand même une histoire de groupe, il y a eu un clash…

Les gros sabots: Alors maintenant, c'est toute seule ou accompagnée ?

Anaïs (indulgente): Sur ma tournée du Love album, j'ai voulu faire quelque chose d'un peu plus grand. J'en avais marre d'avoir tourné trois ans en solo. Je me suis entourée d'hypers musicos bien rock. On a fait toute la tournée comme ça, très pop rock. Pour le Cheap Show, j'étais toute seule, mais vers la fin, quand même, j'avais un tourneur et un régisseur. La première année, je me suis vraiment débrouillée pour trouver les dates, avec ma guitare et mon barda sur le dos. Je me payais un ingénieur du son quand j'arrivais à en trouver un, sinon j'allais toute seule dans les salles… Et je me retrouvais confrontée à la misogynie qui existe encore dans le milieu. Il y a encore à faire pour la parité en musique…


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L'hypochondriaque: Dans le texte « J'ai attrapé le mal de toi… ou peut-être une angine », c'est de l'ironie ou un diagnostic médical ?

Anaïs (magnanime): cela peut paraître comme un contre-pied mais en disant « ou peut-être une angine » j'ai voulu faire du pathos, parler de l'entre-deux. Quand on tombe amoureux, on est obsédé par la personne, on la voit un peu partout et ce n'est pas très sain (car trop passionnel). J'ai voulu dire « J'ai attrapé le mal de toi » parce que j'ai trouvé que cela ressemblait aux symptômes de l'angine. C'est une phrase qui est venue comme ça, je ne vais pas chercher plus loin. J'essaie de ne pas trop réfléchir non plus sur la pertinence de mes textes… J'aime bien aussi parler des moments où on n'est pas très fier de soi et quand l'inconscient travaille un peu trop et part en vrille…


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Les thèmes de prédilection ?

Anaïs (charitable): beaucoup d'histoires sur l'amour en général et les comportements au quotidien. J'aime bien prendre des « instantanés » de mes frères humains, écrire sur des moments précis, un côté 24 heures chrono qui raconte une situation sans la diluer dans le temps. Je m'intéresse à la vraie vie de tous les jours. C'est en cela que j'ai hérité de la chanson réaliste et fantaisiste des années 30 et 40 et qui s'est un peu perdue aujourd'hui. Avant-guerre, la chanson était plus théâtrale, on incarnait des personnages réels, avec leurs soucis ordinaires certes, mais bien mis en scène. La nouvelle chanson française, c'est une écriture qui n'est pas dans le moment, on n'est pas sur une photo, c'est un peu gentillet. J'ai l'impression qu'aujourd'hui un groupe comme les Rita Mitsouko ne seraient pas signés par une maison de disques!


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Et la chanson « Elle me plaît » (avec: 'mon miel pour la gorge, mon petit massage thaïlandais'), ça parle carrément de lesbianisme, non ?

Anaïs (l'œil pétillant): J'aime bien parler du trouble en général et trouver un biais intéressant, pour montrer que ça peut arriver à tout le monde, et au lieu de faire une énième chanson lesbienne, je voulais plutôt partir dans cette émotion qui interpelle. Et cela a bien marché parce que le public masculin aime beaucoup, autant que les femmes. Ca veut bien dire que j'ai réussi à toucher quelque chose de très simple.


Elle sort qu'avec des Blacks?

Anaïs (malicieuse): C'est toujours gratter le vernis! Je connaissais bien les boîtes afro-antillaises, je savais de quoi je parlais. J'ai effectivement une copine qui ne sortait qu'avec des Blacks. J'ai un peu… noirci le trait! J'avais aussi une copine qui ne sortait qu'avec des Italiens, un copain qu'avec des Asiatiques… Il y a des gens comme ça qui se focalisent sur quelque chose, par besoin d'appartenir à un groupe. Je trouve ça assez touchant. Et réel. C'est un thème sur lequel on n'avait pas écrit, donc ça m'amusait et aussi de voir les réactions et ce qui est super, c'est que le public apprend à danser le zouk en écoutant la chanson. Il y a ce côté 'danse à deux' sensuelle des îles, avec toute l'atmosphère des boîtes afro-antillaises.


La chanson « Je t'aime à en crever » (tes pneus pour que tu restes là) ?

Anaïs (facétieuse): c'est directement inspiré par Brigitte Fontaine, avec ce côté très acerbe qu'elle peut avoir. Je lui ai fait écouter et je lui ai même chanté pour son anniversaire à l'Olympia, il y a deux ans, en l'imitant, en plus. Son dernier disque n'est pas passé inaperçu: "Je suis vieille et je vous encule, avec mon look de libellule. Je suis vieille et je vais crever, un petit détail oublié". Il manque des gens comme ça aujourd'hui dans la chanson française. Elle nous donne encore des leçons de savoir vivre. Les chanteurs d'aujourd'hui manquent de « gnac »… Et, au passage, dans la chanson « Rap collectif », j'ai voulu m'amuser avec toutes les caricatures du rap, en faisant quelque chose d'élaboré…


Pour finir: y aura-t-il une saison 2 au Siam, comme on dit à la téléréalité?

Anaïs (rêveuse): J'ai envie de revenir une autre fois dans ce pays pour me confronter avec des musiciens et voir jusqu'à quel point la musique peut-être sans frontières… En tout cas, il va sûrement y avoir quelque chose sur la Thaïlande dans mon prochain spectacle: comme le Sopalin, j'absorbe les huiles essentielles…


Là-dessus, elle part faire une balade dans le jardin de l'aéroport, marchant les yeux fixés sur ses pensées, sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, seule, inconnue, l'échine dressée et les mains dans les poches… Son avenir l'attend.

 

[Propos recueillis par Raymond Vergé]

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QUELQUES JOURS A KOH SAMUI

Une sauterelle grillée bien craquante sous la dent: rien que des protéines!

Muay thaï: m'ouais, thaï... [Voir article: Boxe thaï: mise aux poings à Pattaya]

Je vais te faire un de ces cartons...

Merci le coach...

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BALADE AUTOUR DE CHIANG-RAI

Descente en pirogue de la rivière Kok

Le bain des éléphants...

Roulée comme un serpent...

Habillée pour l'hiver...

Vous me la baillez belle

Ca trompe énormément

Tu me serres la pince?

Les petits gourmands

Ca c'est du mastoc

Et calin avec ça

Bouche bée

Papouilles

Chacun son tour!

Plongeur en herbe

Jungle beat

Arrivée à l'étape

On va se poser

A la bonne franquette

Belle portée (Cf. La plus belle chose au monde)

Je trace mon chemin

Sustentation

Dîner en terrasse (al fresco)

Wat Rong Khun (Province de Chiang Rai)

Avec Gérard Sochon (chemise à carreaux), de Frenchy trekking, Chiangrai

 

DANS LES JARDINS DE SUVARNABHUMI (SOUWANAPHOOM) AIRPORT

 

 

 

 

 

 

 

 



02/03/2010
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