Chanthaburi: la belle province

            Située à 245 km au sud-est de Bangkok, près de la côte, en direction de Trat/Koh Chang et du Cambodge, la paisible petite ville de Chanthaburi, qui donne son nom à la rivière qui la traverse et à la province qui l'entoure, offre un large éventail d'attractions propres à séduire les voyageurs les plus blasés. Elle présente des intérêts d'ordre historique, religieux, spirituel, socio-culturel, commercial, balnéaire, ludique, culinaire, et la liste est loin d'être exhaustive.

            Chanthaburi ou 'Meuang Tchan' (cité de la lune): c'est là que le futur grand roi Tak-Sin vint s'établir après la chute d'Ayutthaya, en 1767, pour reconstituer l'armée qui lui permit de bouter le Birman hors du Siam. Le souvenir du grand libérateur est ancré à jamais dans le cœur des autochtones. Plusieurs témoignages attestent que le roi espéra un moment pouvoir faire de cette ville sa capitale, mais il dû choisir Thonburi pour des raisons stratégiques. Les habitants de Chanthaburi ne l'ont pas oublié: ils se donnent le nom de "Luk Phra Chao Tak Sin - les enfants du roi Tak-Sin"; ils le considèrent comme le protecteur de leur sol et le vénèrent comme un demi-dieu.


            Au centre d'un jardin public qui porte bien évidemment son nom, sur une petite île accessible aux piétons par un pont de bois, s'élève sa glorieuse statue équestre, celle qui figure sur les anciens billets de 20 bahts.

            Au 19ème siècle, outre de nombreux immigrants chinois, Chanthaburi a servi de terre d'asile aux milliers de chrétiens vietnamiens fuyant les persécutions, et leur communauté y est aujourd'hui florissante. Certains quartiers ont gardé l'empreinte de l'architecture franco-vietnamienne, notamment bien sûr celui de la cathédrale de l'Immaculée Conception, le plus grand édifice catholique de Thaïlande, construite par les Français qui occupèrent la région de 1893 à 1908, le temps de se voir rétrocéder par le roi Chulalongkorn (Rama V) les provinces cambodgiennes de Battambang, Siem Réap et Sisophon.

            Ce bâtiment de style gothique est sans doute l'attraction principale pour les touristes occidentaux. C'est un lieu de culte fort bien conservé, entouré de dépendances cossues. Les offices sont célébrés quotidiennement, répondant aux besoins des paroissiens assidus. Il y a même, à quelques dizaines de mètres, une reconstitution grandeur nature de la grotte de Lourdes ! Vue imprenable sur la ville du haut du clocher, superbes vitraux illustrant la vie des saints, statuaire riche et variée, le tout est impressionnant de calme et de beauté.

            Mais Chanthaburi est avant tout réputée, au niveau international, pour son marché aux pierres précieuses qui se tient le vendredi, le samedi et, dans une moindre mesure, le dimanche, attirant des négociants du monde entier, par centaines. Les mines voisines de Bo-Rai (qui produisaient principalement rubis et saphirs) ont connu leurs trente glorieuses des années 1960 à 1990, avant d'être épuisées, mais la dynamique étant lancée, la région s'est transformée en centre important de taille des pierres, se spécialisant dans différentes techniques de chauffe et de traitement des gemmes, des recettes aux secrets jalousement gardés. Désormais, les pierres brutes viennent notamment du Cambodge, de Chine, du Myanmar (Birmanie), de Tanzanie, d'Australie, du Sri Lanka et de Madagascar.

            Selon Jean-Pierre Duval, un lapidaire français qui y achète des rubis pour des clients américains depuis une dizaine d'années, le volume d'affaires traitées chaque week-end est estimé à plusieurs millions de dollars. On y compte de 300 à 400 'tables' de négoce, la plupart dans des locaux ouverts et non protégés, voire même installées dans les rues du marché (appelé 'Talat Phloy'). 75% des acheteurs sont des musulmans de l'Inde venant de Dehli, Jaipur ou Bangalore, mais on y rencontre aussi des Italiens, des Chinois, des Coréens… Les vendeurs passent de table en table proposant leurs joyaux en toute simplicité.


            Mais autres temps, autres mœurs: depuis quelques années on assiste à l'ouverture de nouveaux lieux d'échange, à l'extérieur de la ville, près des galeries marchandes, avec tout le confort moderne: air-conditionné, vastes parkings, atmosphère aseptisée, merchandising ad hoc et prix attractifs. Toujours d'après J.P. Duval, les États-Unis constituent un débouché très important pour ces pierres, suivis par le Japon et la Communauté européenne, mais l'Inde et la Chine sont, lentement mais sûrement, en train de gagner des parts de marché.

        Au niveau national, la province est aussi célèbre pour sa généreuse production fruitière, notamment le durian, roi des fruits tropicaux, ainsi que le ramboutan ('litchi chevelu') et la mangouste au goût de framboise. Issues de la riche tradition culinaire sino-vietnamienne, les fameuses nouilles de riz de Chanthaburi sont exportées dans le monde entier. Ses autres spécialités sont les fruits de mer (crevettes, calamars) et différentes variétés de poivre.

            Une autre particularité de cette contrée bénie des dieux est l'abondance de collines verdoyantes, agrémentées de nombreuses chutes d'eau (naam-tok), comme celle du parc national de Phliu, l'un des plus populaires de Thaïlande. A une dizaine de kilomètres à l'est de la ville, c'est une aire de pique-nique idéale, au bord d'un grand bassin propice à la baignade et grouillant de carpes, alimenté par une cascade à trois niveaux. Non loin se trouve un 'chédi' (monument obituaire) élevé à la mémoire de la première épouse du bon roi Chulalongkorn, décédée prématurément. Vingt kilomètres au nord de la ville, le parc national de Khao Khitchakut est également un lieu de destination privilégié, avec sa cascade à 13 paliers, ses chemins escarpés et son petit lac aux rives sablonneuses.

          A quelque distance de là, dans le même secteur vallonné, le Wat (temple) de Khao Sukim, accessible par un funiculaire, est un vaste complexe de chalets et de pavillons dédiés à la méditation, éparpillés à flanc de colline, au milieu d'une végétation des plus luxuriantes. Un des principaux bâtiments abrite, sur quatre niveaux, un musée aux collections aussi hétéroclites que surprenantes, constituées par les offrandes des fidèles: objets religieux, antiquités, articles utilitaires fabriqués en série, mobilier, vaisselle, porcelaines, poteries, argenterie, orfèvrerie, niellures (émail noir), vêtements et tableaux de différents pays asiatiques… On peut aussi y admirer une vingtaine de statues de cire représentant les moines bouddhistes parmi les plus révérés en Thaïlande, ainsi que des peintures murales de Chakrabhand Posayakrit, un artiste 'officiel'.

        L'avantage de cette région c'est que l'on peut passer du relief à la plaine côtière très rapidement. À trente kilomètres au sud-est de Chanthaburi, le cap Laem Sing est incontournable, pour plusieurs raisons. D'abord, à quelques encablures de ce cap, les enfants apprécieront de faire une escale à l'Oasis Sea World, qui est à la fois un dispensaire pour dauphins victimes des filets de pêche, et un centre de reproduction et de dressage, avec cinq séances quotidiennes de spectacles-exhibitions auxquels on est invité à participer en se jetant à l'eau. Le centre s'occupe particulièrement de deux espèces indigènes menacées d'extinction: 'Irrawaddy' et 'à bosse du Pacifique', des mammifères forts sympathiques qui sont toujours prêts à vous serrer la palme ou à vous faire un bibi mouillé pour quelques sardines gobées en cinq sec. Par le seul fait d'acheter son billet d'entrée, on contribue à la sauvegarde de ces individus.

        Plus loin, sur la route qui mène au port de Laem Sing, il faut brièvement s'arrêter pour visiter deux vestiges de la présence française. Concernant le premier, il s'agit d'une modeste tour carrée en briques rouges, de 4m de côté et 7m de haut, légèrement penchée et s'enfonçant dans le sol. La toiture a disparu. Il n'y a qu'une seule entrée et en guise de fenêtres, il fut pratiqué des ouvertures 'façon meurtrières' pour la ventilation.

        Bâtie par les soldats de la IIIème république en 1893 (peu avant l'affaire Dreyfus !) et appelée depuis 'Khuk Khi Kai', c.-à-d. la prison aux excréments de poulets, elle aurait été le centre de détention des opposants siamois à l'occupation française. En ce temps-là, le plafond, servant de poulailler, était un simple ouvrage en osier formant un treillis à claire-voie, et les déjections des gallinacées tombaient librement (sic) sur les malheureux prisonniers. D'où son nom pour le moins prosaïque.

        A quelques centaines de mètres de ce 'perchoir des coqs gaulois', la deuxième trace encore visible du séjour des Français est une longue bâtisse de plain-pied, toute colorée de bordeaux, sobre mais élégante, appelée 'tuk-daeng' (maison rouge), érigée par le même corps expéditionnaire, à un endroit stratégique puisque contrôlant l'accès du port de Laem Sing tout proche. A la fois quartier général et poste de commandement de la garnison française, il est désarmé depuis un siècle et abrite aujourd'hui la bibliothèque municipale.

        Enfin, question littoral, le cap Laem Sing possède de belles plages rafraîchies par la brise du large et bordées de pinèdes, à l'ombre desquelles des paillottes proposent de grosses crevettes, des poissons savoureux et autres calamars grillés. De quoi faire une longue pause-ravitaillement avant de repartir pour de nouvelles aventures.

                                                Texte et photos: Raymond Vergé


Restauration du 'Camp Taksin' de Chantaburi

Le protocole de coopération pour la restauration du 'Camp Taksin' de Chantaburi, entre la Fondation Phra Racha Wang Derm et le Comité de Solidarité franco-thaï, a été signé le 29 avril 2009 à la Résidence de France.
Petit résumé historique:
En application de l'article 6 de la Convention franco-siamoise, signée le 3 octobre 1893, la France occupe cette même année les provinces de Chantaburi et Trat. Aux abords de la ville de Chantaburi, le site de Ban Lum est choisi pour accueillir l'état-major et les troupes françaises. Celles-ci auront vocation, jusqu'à la conclusion du traité bilatéral de 1905, à sécuriser la frontière siamo-khmère et à surveiller les Etats malais, alors sous domination britannique. Huit de ces bâtiments, de style architectural militaire français et pour lesquels de nombreux matériaux avaient été importés (notamment des tuiles et tommettes de Marseille), subsistent toujours au sein de ce qui est devenu en 1989 le camp "Taksin".

La Fondation Phra Racha Wang Derm avec le concours du Comité de Solidarité franco-thaï, et le soutien de grandes entreprises françaises, comme Bouygues Thaïlande et Thalès, entreprennent aujourd'hui de restaurer ce témoignage de notre histoire commune.
Vous pouvez vous aussi faire un don au Comité de Solidarité franco-thaï pour mener à bien ce projet de préservation du patrimoine historique thaïlandais.


01/03/2008
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