Crémation de la princesse Galyani

L'envol d'une grande âme

 

En ce début novembre 2008, la Thaïlande toute entière s'apprête à vivre un évènement d'une importance considérable : la crémation de Son Altesse la princesse Galyani Vadhana, sœur aînée du roi, décédée le 2 janvier dernier à l'âge de 84 ans. Entourées d'un faste grandiose et d'une immense ferveur populaire, les cérémonies s'étaleront sur 6 jours, du 14 au 19.

En Thaïlande, les funérailles royales demandent toujours de longs mois de préparation, ne serait-ce que pour édifier, sur Sanam Luang, le crématorium et les pavillons attenants, réparer et restaurer les chars royaux (de somptueux corbillards pesant plusieurs tonnes, ayant servi pour la plupart des rois de la dynastie Chakri), organiser et prévoir l'accueil d'une foule énorme ainsi que plus de trois mille dignitaires, en conjuguant hygiène, prévention et sécurité.


[08-10-08]

Le protocole actuel remonte au règne de Rama 1er (1782-1809), mais les archives les plus anciennes font déjà état d'une crémation royale datant de la période Sukhothai (du 13ème au 14ème  siècle), coutume reprise et préservée durant la période Ayuttaya (du 14ème au 18ème  siècle) et donc jusqu'à nos jours. Cette tradition nous transporte non pas en arrière mais dans un présent qui couvre et englobe toute la grandeur du Siam.


[20-11-08]

Selon Vichian Khemthong, un diplomate thaïlandais à la retraite, les obsèques devaient obligatoirement s'achever plusieurs semaines avant les réjouissances liées à l'anniversaire du Roi (81 ans le 5 décembre prochain) afin de respecter la bienséance. Et comme il faut un ciel clément en ces circonstances, il était préférable que cela se fasse après la fin de la saison des pluies, marquée par la joyeuse mais émouvante fête de Loy Krathong, à la pleine lune, qui cette année tombe le 12. La crémation en elle-même aura lieu du samedi 15 au dimanche 16.

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Ces dates ne résultent pas d'un calcul astrologique mais ont tout simplement été choisies pour permettre au plus grand nombre de venir accompagner la princesse pour son dernier voyage. On s'attend donc à des centaines de milliers de personnes, sans compter les dizaines de millions qui suivront les différentes étapes sur leur poste de télévision, à travers tout le pays et à l'étranger pour les Thaïlandais expatriés.

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Bien plus qu'une catharsis collective, ce sera un moment exceptionnel où tout le peuple siamois, au-delà des clivages politiques, se retrouvera rassemblé spirituellement, à la fois dans le deuil et aussi dans la fierté légitime d'appartenir à une grande nation, représentée, voire incarnée, par une famille royale bien au-dessus du commun des mortels.


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Car au royaume de Siam, selon une croyance encore bien ancrée, le souverain est la personnification de Vishnou-Narayan, dieu bienveillant par excellence. Le monarque est de fait un "Devaraja", i.e. roi d'essence divine. Cela s'étend naturellement aux membres de sa famille. Une fois leur mission rédemptrice accomplie en ce bas monde, ils repartent, par le biais de savants rituels funéraires, vers leur résidence céleste, le mont Mérou, aussi appelé Kaïlash, l'Olympe des hindous, considéré comme l'axe du monde, au centre de l'Himalaya, pour ne pas dire de l'univers.


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Mais la princesse Galyani faisait déjà partie du Panthéon siamois bien avant de quitter sa dépouille mortelle. C'était une personnalité charismatique d'une grande générosité. Elle tiendra toujours une place privilégiée dans le cœur des Thaïlandais. Non seulement parce qu'elle fut la sœur aînée de deux rois, mais surtout pour son engagement continuel et son combat permanent en matière d'éducation et de santé publique.

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On ne compte plus les associations qu'elle a fondées, parrainées et encouragées: pour les aveugles, les sourds, les enfants cardiaques, les enfants des rues, les retardés mentaux, les maladies tropicales, les maladies rénales, le cancer du sein, la défense de l'environnement… En 1977, elle a fondé l'Association Thaïlandaise des Professeurs de Français (ATPF): 800 professeurs au niveau national. Parfaitement francophone, elle en fut la présidente jusqu'en 1981 puis présidente honoraire jusqu'à sa mort.


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Pour matérialiser son «assomption», et suivant une coutume pluriséculaire, le département des Beaux-Arts, sous la supervision du roi Bhumibol et de la princesse Sirindhorn (nièce de la défunte), a fait construire sur Sanam Luang (l'esplanade royale à Bangkok) un crématorium à l'intérieur d'un pavillon de bois dont la forme représente le mythique Mont Mérou (dans le concept du «temple montagne» d'Angkor) surmonté d'une flèche culminant à plus de cinquante mètres de haut. La structure intérieure est en fer décoré de papier doré et de motifs artistiques traditionnels. Il y a 2 niveaux à la base, reliés par des escaliers. Le foyer est situé dans le hall principal du crématorium et recevra donc le Phra Kosa (cercueil royal) fait en bois de santal.


[20-11-08]

L'édifice compte quatre porches situés dans l'axe des points cardinaux. Ce n'est rien moins qu'un chef d'œuvre de l'architecture siamoise, doré à la feuille et incrusté de pierres précieuses, une structure faite pour élever l'esprit de tous ceux qui pourront la voir.


[20-11-08]

En remerciement pour ses services rendus à la Nation, le Roi a accordé à la princesse que soit dressé près du crématorium le septuple parasol blanc (Sawetta-chatra) qui est l'un des plus prestigieux insignes de la monarchie (le nonuple étant réservé au Roi lui-même).


[08-10-08]

Tout autour du site, il y aura également de nombreux septuples parasols dorés (de taille moindre), ainsi que, sur de hauts mâts, des cygnes sculptés (évoquant le lac Manasarovar, près du Mont Mérou), élégant palmipède, symbole de la sagesse et de la connaissance spirituelle.


[20-11-08]

Avec un budget évalué à plus de 300 millions de bahts, il aura fallu plus de six mois et de 300 à 400 artisans triés sur le volet pour réaliser l'ensemble du complexe funéraire. Un pavillon principal s'élève à l'ouest du crématorium, d'où Sa Majesté Rama IX présidera les rites religieux, entouré des membres de la famille royale, d'officiers de haut rang, de membres du parlement et du corps diplomatique.


[20-11-08]

Au nord et au sud du pavillon royal, se trouvent deux pavillons pour les hauts fonctionnaires, et sur les côtés quatre pavillons pour les moines psalmodiant les textes sacrés, ainsi que deux autres pavillons pour des officiels, membres de la cour et musiciens. Le site est entouré d'une barrière de bois suivant les quatre directions.


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Des chapiteaux auront été installés au nord de Sanam Luang, en face du «Lak Meuang» (le Pilier de la ville, le kilomètre 0 de la Thaïlande) et le public pourra offrir des fleurs de bois de santal utilisées pour la crémation afin d'y participer. Des collations et des boissons seront fournies ainsi que des écrans de télévision pour pouvoir suivre la cérémonie à distance. Des toilettes et des centres de premiers secours seront bien sûr installés. Le budget global des obsèques a été fixé à 30 millions de bahts.


[20-11-08]

En principe, les sujets de Sa Majesté seront habillés de noir du 14 au 16 novembre, un signe de deuil vraisemblablement inspiré de la coutume occidentale. Il sera demandé aux établissements de loisirs de fermer provisoirement ou de réduire leurs activités. La radio et la télévision devront diffuser des programmes en conséquence. Le drapeau national sera en berne sur tout le territoire (administrations, entreprises d'Etat, écoles, universités...).


[20-11-08]

Par la suite, du 18 au 30 novembre (de 9h à 21h), le public aura libre accès au site de crémation et pourra admirer cette œuvre colossale de plus près. Plus tard,  l'ensemble des bâtiments sera démonté pour être remonté ailleurs, dans des lieux encore non précisés.

Raymond Vergé

 

CALENDRIER DES CÉRÉMONIES

De source officielle: la première cérémonie religieuse de la crémation royale aura lieu le vendredi 14 novembre à 17h30 dans la salle du trône du Dusit Maha Prasat qui fait partie du Grand Palais.

Le samedi 15 novembre à 7h du matin, le cercueil sera porté en procession de la salle du trône du Dusit Maha Prasat au crématorium, sur l'esplanade royale (Sanam Luang).

[08-10-08]

Il sera d'abord amené sur un palanquin royal pour être placé sur le «Phra Maha Phichai Ratcharot » ou Grand Chariot de la Victoire, en attente devant le Wat Pho.

[08-10-08]

Puis le cortège suivra la Sanam Chai Road et Ratchadamnoen Nai Road, pour après tourner à gauche dans la rue centrale qui traverse Sanam Luang. Ensuite, de nouveau placé sur un palanquin royal, le cercueil fera trois fois le tour du site dans le sens contraire des aiguilles d'une montre, avant d'être installé dans le crématorium.


[15-11-08]

Le cortège sera présidé par le Prince héritier Vajiralongkon et la Princesse Maha Chakri Sirindhorn, suivis par des moines de haut rang, tous installés sur des chars sacrés qui seront tirés par des soldats en costumes de cour. Des détachements des forces armées fermeront la marche. Tout au long de la procession, une musique funèbre sera jouée par les musiciens du cortège.


[15-11-08]

Initiée par le Roi lui-même, la première phase du rituel de crémation débutera à 16h30 lorsque des fleurs en bois de santal seront offertes aux 3000 invités (membres de la famille royale et du gouvernement, sénateurs, députés, ambassadeurs, hauts fonctionnaires et représentants du secteur privé). Le même rituel sera conduit au même moment dans d'autres temples de Bangkok et dans tout le royaume. La crémation elle-même commencera à 22h.


[15-11-08]

Dans la nuit du 15 au 16 auront lieu des spectacles de théâtre d'ombres, de marionnettes et des concerts de musique classique et traditionnelle, en face de l'université Thammasat.

Le dimanche 16 novembre, à 8h, aura lieu la cérémonie de collecte des cendres et des restes de la dépouille mortelle qui seront ramenés par deux palanquins en cortège à la salle du trône du Dusit Maha Prasat.

Le lundi 17 novembre, à 16h30, une cérémonie religieuse aura de nouveau lieu dans la salle du trône du Dusit Maha Prasat.

Le lendemain, mardi 18 novembre, à 10h30, toujours dans la salle du trône du Dusit Maha Prasat, départ de l'urne contenant les cendres royales pour être enchâssée dans la salle du trône du Chakri Maha Prasat, qui fait aussi partie du Grand Palais.

Le mercredi 19 novembre, les restes non calcinés de la dépouille mortelle seront transportés pour être enchâssés au Rangsi Vadhana Memorial du Wat Ratchabophit, à Bangkok.



[20-11-08]

Bon nombre de personnes encore vivantes ont déjà pu assister sur Sanam Luang à plusieurs crémations royales:

-En 1950, celle de Sa Majesté le roi Ananda Mahidol (Rama VIII), un mois avant le mariage et le couronnement du Roi actuel. Rama VIII est décédé en 1946, avant même d'être officiellement couronné.

-En 1956, celle de Sa Majesté la reine Savang Vadhana, une des épouses de Rama V (Chulalongkorn), grand-mère maternelle du roi actuel, décédée le 17 Décembre 1955 a l'age de 93 ans.

-En 1985, celle de la reine Rampaipannee, épouse de Rama VII (lui-même décédé et incinéré en Angleterre en 1941, ses cendres furent ramenées à Bangkok par sa reine).

 

[08-10-08]

-En 1996, celle de la princesse-mère Somdet Phra Srinagarindra, décédée en juillet 1995. Ce fut un des plus grands évènements de la Thaïlande moderne.
Voir la vidéo: Cremation Ceremony of the late Princess Mother of Thailand http://www.youtube.com/watch?v=M5R1NT3l9DY.

http://www.lepetitjournal.com/content/view/32730/1013/

PORTRAIT - La Princesse Galyani, une amoureuse de la langue française [mardi 28 octobre 2008]

La Thaïlande s'apprête à célébrer en grande pompe les obsèques de la princesse Galyani, soeur du roi Bhumibol, décédée le 2 janvier dernier. La cérémonie de crémation royale aura lieu du 14 au 19 novembre à Sanam Luang. Retour sur une vie dans laquelle la langue française joua un grand rôle

"Avec son frère le roi, la princesse Galyani parlait en français la plupart du temps, davantage qu'en thaï", se souvient Khunying Wongchan Phinainitisatra. La vice-présidente de l'Association Thaïlandaise des Professeurs de Français (ATPF), fondée par Son Altesse Royale la Princesse Galyani Vadhana, a travaillé avec la sœur du roi Bhumibol Adulyadej pendant 37 ans. La princesse est décédée le 2 janvier dernier des suites d'un cancer abdominal, à l'âge de 84 ans. Ses funérailles auront lieu du 14 au 19 novembre sur l'esplanade de Sanam Luang, à Bangkok, où a été construit le crématorium royal.


[20-11-08]

La langue française fut un élément central dans la vie de la princesse, tout comme ses liens avec son frère. "Elle et le roi étaient très intimes. Ils étaient issus d'une petite famille, et à la fin, elle était la seule qui restait au roi", souligne Khunying Wongchan. L'an dernier, le souverain a rendu visite presque tous les jours à sa sœur à l'hôpital Siriraj.

Elevée au rang de Grand Officier de la Légion d'Honneur

Née en 1923 à Londres, la princesse Galyani Vadhana est la fille aînée du prince Mahidol, fils du roi Chulalongkorn, et de la princesse Srinagarindra, que l'on appellera plus tard la "princesse-mère". Ses deux jeunes frères, Ananda Mahidol et Bhumibol Adulyadej, seront tous les deux appelés à devenir rois de Thaïlande. Après la mort du prince Mahidol en 1929, la famille s'installe à Lausanne, où naîtra l'attachement de la princesse pour la langue française. La jeune femme poursuit ensuite en parallèle des études de chimie, de littérature, de psychologie et de sciences sociales à l'université de Lausanne, avec déjà un goût affirmé pour l'enseignement. "Elle a toujours voulu être professeur", raconte Khunying Wongchan. A son retour en Thaïlande, la princesse embrasse donc une carrière d'enseignante, d'abord à l'université de Chulalongkorn, puis à Thammasat, où elle prend la tête du département de français et de langues étrangères. En 1977, elle fonde l'Association Thaïlandaise des Professeurs de Français (ATPF), qui regroupe aujourd'hui 900 enseignants à travers tout le royaume. Quelques jours avant sa mort, en décembre 2007, elle sera élevée au rang de Grand Officier de la Légion d'Honneur pour "[son] rôle essentiel dans la diffusion et la promotion de la langue française en Thaïlande", selon les mots de l'Ambassadeur de France en Thaïlande, Laurent Bili.

Egalement présidente de fondations de musique classique, elle a aussi consacré beaucoup d'énergie à des projets de santé, d'éducation et de développement rural, en particulier dans le Nord du pays, où elle avait repris le flambeau des actions engagées par la princesse-mère. Mariée deux fois, elle laisse une fille et un petit-fils.

Emmanuelle MICHEL (www.lepetitjournal.com/bangkok.html) mardi 28 octobre 2008

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        SITE EN ANGLAIS TRÈS COMPLET (CLIQUER SUR L'IMAGE)

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http://www.letemps.ch/template/opinions.asp?page=6&article=244228

«Votre peau ridiculise le satin»

Galyani Vadhana. La soeur de l'actuel roi de Thaïlande,

dans sa jeunesse, faisait chavirer les coeurs. (Photo: DR)

 

 

La Thaïlande met un terme cette semaine au deuil national décrété après la disparition de la princesse Galyani Vadhana. Une femme généreuse, belle, dont le voyage terrestre passe par la Suisse.

Auteur: Arnaud Dubus, Bangkok [Mardi 18 novembre 2008]

 

Elle s'appelait Galyani Vadhana. La belle princesse s'est éteinte à 85 ans le 2 janvier 2008. Sa dépouille royale a été incinérée lors d'une cérémonie grandiose et émouvante qui prend fin ce mercredi. Pendant six jours, la Thaïlande s'est arrêtée de fonctionner. Tous les Thaïlandais se sont plongés dans une atmosphère de recueillement, rendant hommage à cette princesse discrète et généreuse qui, toute sa vie durant, a fait preuve de son dévouement pour les Thaïlandais les plus humbles.

«Elle était une femme formidable. Je n'ai jamais vu de ma vie quelqu'un d'aussi chaleureux et d'aussi bon. Je suis toujours émue de sa gentillesse et de celle de sa fille Thanpuying Tasanavalaya», dit Liliane Adam, vice-consul honoraire au consulat thaïlandais de Genève et amie de longue date de la fille de la princesse Galyani. «Sa Majesté, le roi Bhumibol Adulyadej était très attaché à sa sœur, qui était la dernière personne de la famille, la princesse étant décédée en 1995», dit Lysandre Séraïdaris, fils de Cléon Séraïdaris, lequel a été le précepteur privé pendant près de vingt ans d'Ananda Mahidol, roi entre 1935 et 1946, et du roi actuel Bhumibol Adulyadej, sur le trône depuis 1946.

Sur une photographie granuleuse en noir et blanc, prise à Arosa (GR) lors de l'hiver 1937-1938, on voit, sur la gauche, deux jeunes femmes qui semblent être deux sœurs: même coiffure, même regard lumineux, même gracieux visage. L'une semble rire ou dire quelque chose, c'est la princesse Galyani Vadhana, aujourd'hui disparue. L'autre, un peu plus âgée, est emmitouflée dans un cache-col. Elle est la princesse mère Mahidol, veuve depuis le décès de son époux, le prince Mahidol de Songkhla, en 1929. A droite, deux garçonnets, le roi Ananda Mahidol, flegmatique et pensif, et, à ses côtés, le tout jeune prince Bhumibol Adulyadej, le manteau maculé de neige, un beau sourire aux lèvres et des yeux espiègles derrière ses lunettes rondes.

Une famille de l'aristocratie siamoise en vacances dans une station de ski suisse. Mais une famille dont le destin s'annonce déjà exceptionnel: Ananda, l'adolescent ténébreux, est, depuis deux ans, roi du Siam. Les trois enfants suivent leurs études à Lausanne, les deux garçons à l'Ecole nouvelle de la Suisse romande et la princesse Galyani à l'Ecole supérieure de jeunes filles de la ville de Lausanne.

La famille a emménagé récemment dans une villa sur les coteaux verdoyants de Pully (VD). Une grande demeure que la princesse mère Mahidol de Songkhla a baptisée Villa Vadhana («Celle qui fleurit avec vertu», en thaï). Les deux garçons sont d'inséparables complices, comme peuvent l'être deux frères avec une différence d'âge de seulement deux ans. Ils sont très attachés à leur sœur aînée, la princesse Galyani.

«Belle Galyani, votre beauté éclipse celle des fleurs, votre teint fait honte aux roses. Votre peau ridiculise le satin. Vous êtes un ange, une fleur humaine. Votre parfum fait pâlir les violettes. Vos beaux yeux d'amour me font mourir. Je voudrais vivre et mourir à vos cotellettes, euh! A vos côtés», écrivent les deux garnements sur un billet à l'intention de la princesse. «Ils ont perdu leur père en 1929. Donc la famille était très soudée autour de la mère, ce qui arrive quand une famille perd le chef de famille. Ils avaient beaucoup d'affection les uns pour les autres», raconte Lysandre Séraïdaris.

Femme de tête, la princesse Galyani excellait dans les matières scientifiques à l'Ecole de Lausanne. Mais elle était tout autant attirée par la littérature, la philosophie et les beaux-arts. Aussi, parallèlement à ces études de chimie à la Faculté des sciences de l'Université de Lausanne, elle suit des cours de lettres, de philosophie et de psychologie à la Faculté des sciences sociales.

Son don pour les langues est frappant: outre le français qu'elle connaît mieux que nombre de francophones de naissance, elle parle allemand et se passionne pour l'âpre étude du latin. Mais la princesse Galyani n'est pas une intellectuelle sèche et pontifiante. Tant s'en faut: la jeune fille pétille de vie. Elle pratique l'équitation, le ski et même - chose exceptionnelle pour une jeune fille de la haute société siamoise de l'époque - elle pilote des avions. De son bref mariage avec un officier du corps des gardes royaux, le colonel Aram Ratanakul Serirerngrit, elle aura une fille, Thanphuying Tasanavalaya.

De retour au Siam (devenu Thaïlande en 1939), la princesse Galyani s'oriente résolument vers une carrière de professeur de français. Tout l'y pousse, sa grande maîtrise des subtilités de la langue de Montaigne et de Rousseau, son sens du contact avec les étudiants, sa volonté de faire progresser l'étude des langues étrangères dans son pays. La princesse enseigne d'abord à l'Université Chulalongkorn, fondée en 1917 à Bangkok et baptisée du nom de son grand-père, le roi RamaV, puis elle prend la tête du département de langue et littérature françaises de Thammasat, l'université rivale de Chulalongkorn, fondée en 1934.

En 1977, la princesse, soucieuse d'améliorer l'enseignement du français dans le royaume, est une des fondatrices de l'Association thaïlandaise des professeurs de français (ATPF), dont l'objectif est, entre autres, de «promouvoir un enseignement et une recherche de qualité dans le domaine de la langue, de la civilisation et de la culture des pays francophones». En 1979, le gouvernement français décerne à la princesse la croix de Commandeur des arts et des lettres.

Parallèlement à sa carrière d'enseignante, la princesse Galyani fonde et dirige plusieurs œuvres sociales: octroi de bourses aux enfants des familles paysannes pauvres, éducation des enfants autistes, soutien aux étudiants doués pour la musique classique. A la mort de la princesse mère, en 1995, elle reprend les nombreux programmes d'assistance médicale aux démunis, notamment aux minorités ethniques des montagnes du Nord thaïlandais, de la fondation Mae Fah Luang («la mère royale céleste»). La princesse Galyani possédait ces qualités rares qui font les grandes âmes: la rigueur, l'abnégation, l'attention aux autres, la simplicité. Elle habitait, non pas un palais, mais une résidence avec un grand jardin sur la rue Sukhumvit 43, à Bangkok, où elle recevait ses amis proches, avec un protocole réduit au minimum.

Une des conséquences du séjour lausannois de la princesse mère et de ses enfants de 1935 à 1951 a été de créer une relation spéciale entre la Suisse et la Thaïlande. Cela était manifeste lors des cérémonies du 60e anniversaire du couronnement du roi Bhumibol en juin 2006, la Confédération helvétique étant, certes, moins proche de la famille royale thaïlandaise que le cercle restreint des monarchies, mais plus proche de celle-ci que les républiques. «Sans être monarchique, la Suisse jouit un petit peu de ce privilège du fait de l'éducation et du long séjour de la famille royale en Suisse», explique l'ambassadeur de Suisse en Thaïlande, Rodolphe Imhoof.

Dans un livre savoureux, l'Association thaïlandaise des professeurs de français a publié un ouvrage intitulé Du Bon et du Mauvais Usage.... regroupant des bulletins écrits par la princesse pour l'Association sous le pseudonyme «La Tatillonne». «Mea culpa. Dans le Bulletin spécial du mois de novembre, j'ai été si peu tatillonne (dont le verbe est tatillonner et non tâter ou tâtonner) que j'ai écrit «tâtillonne». Dans ma jeunesse, les fautes d'accent, quand elles ne concernaient pas les participes passés ou les mots «à», «où», ne comptaient que pour une demi-faute. Je serai donc indulgente avec moi-même», écrit-elle dans son premier bulletin.

Pleine de finesse et d'un humour presque britannique (la princesse est née à Londres en 1923), elle termine son dernier bulletin par le texte suivant: «Aujourd'hui, il ne s'agira pas d'usage grammatical, mais d'usage mondain, autrement dit d'étiquette. C'est même plus grave, je dirais qu'il s'agit d'assassinat. Si un journaliste ou un écrivain désire cacher sa véritable identité et utiliser un pseudonyme, il faut respecter son choix. Même si ce nom d'emprunt n'est plus qu'un secret de polichinelle et qu'on se chuchote le nom véritable de l'auteur de bouche à oreille, il n'est pas admissible de le divulguer publiquement, a fortiori dans la revue pour laquelle il écrit. Du moment que l'identité de la Tatillonne a été révélée dans un bulletin de l'ATPF, j'estime qu'on l'a tuée. Elle ne reviendra plus jamais. Elle vous tire sa révérence et, pour ceux qui ont connu Jean Sablon (ils ne doivent pas être nombreux), s'en va au hasard. Ave lector, moritura te salutat. »

Lire:

«Siam-Swiss Centenary: The Growth of a Friendship», par Agathon Aerni, Bangkok/Berne, 1997.

 La Princesse dans nos cœurs, hommage à Son Altesse Royale la Princesse Galyani Vadhana Krom Luang Naradhiwas Rajanagarindra», ATPF, Bangkok, 2008.

© Le Temps, 2008. Droits de reproduction et de diffusion réservés.

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Titre: "La mort de Chulalongkorn roi de Siam" [1910]
Transport des restes du souverain à la grande pagode

 

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ROYAUTE – Dernier grand hommage du peuple à la princesse Bejaratana - Écrit par Yann Fernandez

Plusieurs milliers de Thaïlandais étaient présents dès l’aube hier, à Sanam Luang, pour dire adieu à la princesse Bejaratana Rajasuda, décédée en juillet dernier. Les mains jointes et la tête inclinée au passage du chariot royal transportant l’urne royale, ils ont salué une dernière fois la cousine du roi actuel Rama IX, avant sa crémation tard dans la soirée 


Le chariot de la Grande Victoire amène
l'urne royale en direction du crématorium
(photo Yann FERNANDEZ)

Des dizaines de milliers de Thaïlandais venus des quatre coins du royaume se sont réunis à Sanam Luang, hier, pour assister à la crémation de la princesse Bejaratana Rajasuda, cousine du roi actuel Bhumibol Adulyadej, ou Rama IX. Cette première journée était le jour le plus important des funérailles qui s’achèveront jeudi. Malgré un soleil de plomb qui aura provoqué des insolations chez plusieurs personnes du public ainsi que des officiels, fidèles et curieux présents depuis l’aube, parmi lesquels des touristes, ont tenu le pavé durant plusieurs heures pour attendre le passage du chariot royal de la Grande Victoire portant la dépouille de la défunte. Avec un peu de retard sur le programme prévu, l’urne royale a été transférée hier matin depuis la salle du trône Dusit Maha Prasat au Grand Palais vers le parc de Sanam Luang lors d’une procession qui s’est achevée un peu avant 11h par plusieurs coups de canons. Des soldats ont ouvert le cortège, suivi de membres des autorités et du Petit chariot (Ratcharot Nor). La Premier ministre Yingluck a également défilé, précédant notamment plusieurs membres du gouvernement et le chariot royal de la Grande Victoire (Phra Maha Phichai Ratcharot), tirés par 216 hommes, qui portait l’urne. La famille royale, très attendue par la foule, a suivi le chariot de la Grande Victoire. D’après l’agence de presse gouvernementale NNT, le prince héritier Maha Vajiralongkorn et sa sœur la princesse Maha Chakri Sirindhorn avaient été choisis par Rama IX, absent le matin en raison de son état de santé, pour présider la procession qui a été conclue en fin de matinée par une cérémonie religieuse au milieu du parc de Sanam Luang.

 

Encore trois jours de cérémonie

Une crémation symbolique destinée au public a eu lieu en milieu d’après-midi au crématorium royal, tandis que la crémation réelle, organisée dans l’intimité de la famille royale et en présence du roi et de la reine, s’est tenue tard en fin de soirée. Un budget de 218,1 millions de bahts a été alloué pour l’ensemble de la cérémonie débutée dimanche par une cérémonie de mérite en présence de l’urne royale dans la salle du trône Dusit Maha Prasat du Grand Palais. Aujourd’hui, dernier jour de deuil décrété par les autorités, une collecte de reliques est prévue à Sanam Luang, suivi demain par une nouvelle cérémonie de mérite dans la salle du trône Dusit Maha Prasat du Grand Palais. Les funérailles s’achèveront jeudi avec les dons faits aux moines et la consécration des cendres royales qui seront déposées à 16h30 au Wat Ratchabophit.

 

La princesse Bejaratana Rajasuda, cousine du roi Rama IX

La princesse Bejaratana était la fille unique du roi Rama VI décédé le lendemain de sa naissance. Elle avait suivi la majorité de sa scolarité en Grande-Bretagne, étudiant la langue anglaise et française. Rentrée en Thaïlande à l’âge de 34 ans, elle s’était alors attachée à remplir ses fonctions royales, consacrant notamment beaucoup de temps à des projets religieux, de santé publique et d’éducation. Elle était également la cousine du roi actuel, Rama IX, qui a tenu à ce que ses funérailles soient calquées sur celles de la princesse Galyani (voir les vidéos en encadré), sœur aînée du souverain. La princesse Bejaratana s’était éteinte le 27 juillet 2011, affaiblie par des infections du sang, à l’âge de 85 ans. Comme en atteste l’ombrelle à sept étages, au lieu des cinq prévus par le rang de la princesse, placée autour du crématorium royal, cette cérémonie était organisée avec les plus grands honneurs prévus par la tradition.

Yann FERNANDEZ (http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html) mardi 10 avril 2012

Voir le diaporama de la cérémonie d'hier

Crédits photos : Yann Fernandez

 

LIRE AUSSI :

Décès de la princesse Bejaratana Rajasuda

29 juillet 2011 : Le Bureau de la maison royale a annoncé mercredi la mort de la princesse Bejaratana Rajasuda à l’âge de 85 ans. Fille unique du roi Rama VI, la princesse s’est éteinte... Lire la suite

Six jours de cérémonie pour dire adieu à la princesse Galyani (vidéo)

17 novembre 2008 : La Thaïlande à célébré en grande pompe au mois de novembre 2008 les obsèques de la princesse Galyani, sœur du roi Bhumibol, décédée le 2 janvier 2008. La cérémonie de crémation royale s’est déroulée du 14 au 19 novembre à... Lire la suite

 

Site de crémation de la Princesse Bejaratana
[le 11/04/12] lors du 1er jour d’ouverture au public

Premières constatations
-Beaucoup moins de monde que le jour d’ouverture au public du site de crémation de la princesse Galyani [le 20/11/08] - La Princesse Bejaratana était sans doute moins connue.
-Des barrières jaunes en métal interdisent l’accès aux pavillons [ce n’était pas le cas le 20/11/08]
-L’ensemble est magnifique mais moins impressionnant que le site de crémation de la princesse Galyani (il n’y a plus l’effet de surprise), alors que c’est une réplique à peu près exacte, avec peut-être moins de bâtiments.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



06/12/2008
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