Koh Chang, l’éden à l’Est

            Lentement mais sûrement, cette grande île située au large de Trat, près du Cambodge, à seulement 335 km de Bangkok, est en train de devenir une destination privilégiée par les visiteurs en quête de nouveaux horizons.

          Il y a encore une dizaine d'années, Koh Chang n'attirait que des routards coltinant leur sac à dos sur des chemins de terre menant à des bungalows rustiques, sans eau ni électricité, au bord de plages aussi désertes qu'à l'aube de l'Humanité. En ces temps reculés, seulement quelques 'clubs' luxueux recevaient des touristes dignes de ce nom dans leurs campus aménagés pour le farniente.

     

        Aujourd'hui, la tendance s'est inversée. Le 'baba cool' est toujours bienvenu mais, pour jouer les Robinson, il lui faut descendre toujours plus au sud de l'île, laissant derrière lui une kyrielle de 'resorts' bien confortables (ou bien il doit aller carrément s'isoler sur un des nombreux îlots satellites - une bonne cinquantaine - qui constituent l'archipel et font partie du Parc National Maritime de Koh Chang, officialisé en 1982).

          Ce regain d'intérêt pour Koh Chang est facile à comprendre, il suffit de juger par soi-même. L'enchantement commence sur le ferry: à Laem Ngop (17 km au sud de Trat), on quitte le continent pour passer dans une autre réalité, moins figée, plus mystérieuse. Sous la brise, l'île encore insondable s'approche en verdoyant. Après une traversée d'une demi-heure, on accoste, au nord-est, sur un morceau de terra incognita où la nature s'exhibe avec une virulence qui semble incoercible. Débarquement au pied d'une falaise, sans aménagements urbains. Mais pour ceux qui n'ont pas leur propre véhicule, les taxis prennent en charge les voyageurs médusés par ce premier contact.


          La plupart des arrivants se rendent de l'autre côté, sur les plages radieuses de l'ouest, par une petite bande d'asphalte qui, ayant dû s'adapter aux fantaisies très diverses des collines, a souvent l'allure d'une route de montagne… russe, dans un tunnel de chlorophylle.

          Les montées, et donc les descentes, sont parfois vertigineuses, d'autant plus que l'on ressent simultanément l'oppression d'une végétation fort envahissante. Les services municipaux sont d'ailleurs régulièrement en train de repousser les attaques de ses tentacules végétales. Des deux côtés de la chaussée défile un mur continu de verdure, avec ici et là quelques percées qui laissent apercevoir la belle bleue, tout en bas.

          Et puis, après avoir survolé la canopée et sillonné le relief, on atterrit sur du plat, en rejoignant le littoral ouest: enfin, la civilisation !


          A Koh Chang, il y a plusieurs types de 'balises' qui rassurent tout de suite l'homo citadinus provisoirement 'ex-îlé': tout d'abord, l'enseigne familière d'un 7-Eleven, et, depuis moins de 5 ans, il y en a déjà sept entre Hat Sai Khao (White Sands Beach) au nord, et Kai Bae Beach, 15 km plus bas.


          La plupart des grandes banques ont leur succursale et leurs ATM dans les villages touristiques: jusqu'ici tout va bien. Côté santé, aucun souci non plus, on y trouve les meilleures antennes médicales et les pharmacies abondent dans votre sens.


          Il est désormais possible d'utiliser son téléphone portable en tous chemins, en tous lieux (!). Les Internet-cafés sont maintenant partout, au bord de la seule route côtière et à 1 baht la minute. On peut, pour s'y rendre, louer toutes sortes de motocyclettes ou de véhicules à quatre roues, ou simplement utiliser les taxis collectifs. Question ravitaillement, il y a bien sûr quelques stations-services modernes mais on trouve encore des débits d'essence a remplissage manuel, de simples bidons de 200 litres surmontés d'un cylindre gradué. Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait le bon mélange.


          Enfin, un symptôme qui ne trompe pas et qui est en quelque sorte un gage de rentabilité commerciale: après le tsunami (26/12/04), plusieurs tailleurs et restaurateurs indiens de Phuket se sont installés sur cette 'west-coast', proposant des costards Smalto et du poulet au curry, comme de bien entendu.

          Autre signe éloquent: plus de la moitié des vacanciers sont des Thaïlandais (de Bangkok, pour beaucoup) qui viennent en famille passer quelques jours à l'occasion de longs week-ends ou de congés scolaires. Les visiteurs étrangers de Koh Chang sont plutôt jeunes (dont pas mal de Russes et de Scandinaves) et y séjournent une semaine en moyenne, selon les statistiques hôtelières. Il y a relativement peu de séniors. La configuration de l'île et ses infrastructures pour l'instant insuffisantes supposent une certaine adaptabilité. Au contraire de Hua Hin, Pattaya, Phuket ou Koh Samui, Koh Chang n'offre pas encore de facilités pour les retraités occidentaux.

          Quelques français actifs sont venus s'établir et font figure de pionniers, à commencer par Frédéric de Nice (!), plus connu comme 'Kai Bae Fredo', du nom de son restaurant au bord du petit gave de Kai Bae Beach. Désormais enraciné, avec deux enfants nés sur l'île, c'est une mine de renseignements pour les profanes.


          Très prolixe, il se raconte : «Depuis 1992, conquis par la Thaïlande, je venais un mois par an faire le tour des provinces, jusqu'à ma découverte de Koh Chang en 1999. Ce fut l'envoûtement, un coup de foudre qui me décida à tout plaquer en France et à m'installer ici. A Kai Bae Beach, j'ai trouvé un bout de terrain à louer avec une petite baraque : quatre murs en planches. A l'époque, c'était le 'Far-East' : il n'y avait ni route, ni ponts, tout au plus un chemin de terre et des passages à gué pour les ruisseaux. Les rares taxis disponibles allaient jusqu'a Kai Bae, et encore, c'était toute une expédition. En ce temps-là, on s'éclairait à la bougie, il y avait très peu de générateurs. Pas de banques ni de supérettes (pas une mob, pas un troquet, rien !). Le premier hôpital, celui de Salak Phet, était en construction. A Lonely Beach (la plage solitaire), il n'y avait vraiment personne, et le village de Bang Bao, tout au sud, n'avait pas encore vu la couleur du ciment. Pour passer d'une plage à l'autre, on louait les bateaux de pécheurs… Tout a vraiment commencé en 2001-2002 avec le boom de White Sands Beach. Le lancement des travaux de la route a fait venir des nouveaux immigrants décidés à faire fortune. Certains sont vite repartis, déçus. Le prix des terrains a triplé rapidement. Mais maintenant, de gros investisseurs sont en train de faire du très luxueux. Il ne faut pas oublier que bientôt, les Chinois aussi auront leurs congés payés, et ils ne sont qu'à trois heures d'avion d'ici... ».

          Fred, de Marseille cette fois, a ouvert son 'A-Lee-Bar-Bar', il y a un an et demi, à quelques dizaines de mètres en face de chez Fredo. Il est plutôt content de son sort et a même un projet de 'guest-house'. «Il vaut mieux se diversifier ici car les autorités ne veulent pas d'un Pattaya-bis. Les go-gos sont interdits et les bars très règlementés. De toute façon, l'île attire beaucoup plus de couples étrangers et de familles en vacances que de célibataires en goguette».

          Mais question bâtiment, ce n'est pas évident car pour ce qui est des matériaux de construction, comme le bois et le sable, il faut tout importer du continent et c'est donc forcément plus cher. La législation est très stricte ici: il est interdit de toucher à la forêt et aux plages, Parc National Maritime oblige ! En outre pour faire ses courses, il n'y a pas grand-chose à Trat non plus (capitale de la province, NDRL) et il faut carrément aller au Lotus ou au Makro de Chanthaburi, à 65km du port Laem Ngop…

          Toujours à Kai Bae Beach (un territoire francophone, décidemment), Éric et Wilfrid tiennent le Mango Guest-house (restaurant-bar-billard-sauna…). Ils apportent un petit bémol: «Koh Chang est en passe de devenir un lieu de villégiature idéal pour petits et grands, mais, on compte malheureusement en moyenne un mort par jour dans des accidents de moto. La plupart sont des Occidentaux inexpérimentés. Les Thaïlandais pratiquent la mobylette avant de savoir marcher. Et il y a pas mal de noyés aussi parmi les baigneurs, il faut se méfier des courants traîtres qui emportent les imprudents…».


          A quelques kilomètres plus au sud, Lonely Beach (Hat Tha Nam) reste le rendez-vous des amoureux de la nature. Nicolas et sa femme thaïe y louent des bungalows (P&Nico Guest-House), proposant des pizzas et de la gastronomie franco-thaïe. Tout en défournant une Margherita, il s'explique: «J'étais cuisinier dans les croisières de luxe. Je suis passé ici en vacances il y a 5 ans. Il n'y avait rien, c'était la jungle, fallait avancer au coupe-coupe. Pourtant, l'idée de m'installer dans ce coin sauvage a fait son chemin. Je suis revenu plusieurs fois. Et puis j'ai rencontré ma femme. Nous avons inauguré l'établissement il y a moins de deux ans. Maintenant, devant chez nous, il y a des boutiques, des petits hôtels et des bars-restaurants sur plus de 500 mètres. Mais la plage est à un jet de pierre et notre qualité de vie est toujours intacte. Heureusement aussi, il y a de plus en plus de solidarité entre Français à Koh Chang, plus qu'au début en tout cas… ».

Nécrologie: (21/09/09) Nous apprenons, par Fredo (du restaurant Kai Bae), le décès (au mois d'août dernier) de Nicolas, à l'âge de 34 ans, suite, selon les médecins de hôpital de Koh Chang, à une attaque de malaria et à des complications rénales. Requiescat in pace


          En quelques années, il s'est ouvert sur la côte ouest de l'île un nombre important d'écoles de plongée, rien d'étonnant quand on voit les eaux cristallines, la beauté de la faune et la richesse des fonds sous-marins. Michel, encore un Français (d'Oullins, près de Lyon), fut l'un des premiers à créer son centre Eco-Divers, affilié TDA (Thailand Diving Association) et CMAS (Confédération Mondiale des Activités Subaquatiques), non loin de la plage de Khlong Phrao. Il commente ainsi son bilan positif : «Notre démarche est de proposer aux amateurs de plongée une alternative à Phuket et nous sommes en train de gagner des convertis».


          Et pour finir la tournée des popotes francophones, nous sommes remontés vers le nord, entre Khlong Phrao et White Sands (Hat Sai Khao), non loin du Laem (Cap) Chai-Ya-Chet, derrière le central téléphonique (TOT) flambant neuf,  afin d'y rencontrer Stéphane Brisard, un Français de La Baule, qui gère avec sa femme (et avec bonheur), depuis 3 ans, le 'Jane Chalet Resort' (cum restaurant), un ensemble d'un vingtaine de pavillons en bord de mer. Malgré ses activités de musicien (guitariste-pianiste-chanteur), Stéphane ne se contente pas de la routine, surtout qu'il a de grands espoirs pour l'avenir de Koh Chang : «En association avec trois professionnels thaïlandais (un promoteur, un architecte et un fournisseur de matériaux) qui ont déjà fait leurs preuves sur l'île, nous projetons à moyen terme la construction d'un petit immeuble de seize appartements de luxe et de deux villas grand standing dans l'enceinte du resort. Il y a pour l'instant pénurie d'appartements sur l'île, donc nous pensons lancer une dynamique de la copropriété. La seule contrainte est que les bâtiments ne doivent pas dépasser quatre niveaux (trois étages), la taille d'un palmier royal, mais tant mieux pour l'esthétique du littoral».


          Car les autorités veillent à la préservation du style architectural autant qu'à la protection de l'environnement, et le résultat est là: malgré sa transformation, Koh Chang conserve une véritable authenticité. Seul l'avenir dira si cette politique de «développement durable» sera… durablement appliquée.

                                                          Raymond Vergé

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TREE-TOP KOH CHANG: Le premier parc d'accrobranche en Thaïlande,
un loisir bien français, mais un site en anglais,
parlant d'éco-tourisme et de respect de la nature...

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POUR EN SAVOIR PLUS SUR KOH CHANG

Géographiquement parlant:


            Koh Chang est située à une dizaine de kilomètres des côtes, sur un axe incliné nord-ouest/sud-est. L'île fait 30 km de long sur 10 à 12 km de large. C'est un massif granitique formé il y a +/- 200 millions d'années et culminant à 743 mètres (suffisamment haut pour accrocher les nuages). Son nom veut dire «l'île de l'éléphant» et viendrait de la forme d'un de ses sommets rappelant celle de ce pachyderme, mais personne n'en est vraiment sûr. L'île dispose de deux parcs à éléphants importés de Surin (démonstrations de dressage et promenade dans la jungle vierge et peuplée de sangliers sauvages, de mangoustes de Java, de boucs vivant dans les arbres, et de plus de 60 différentes espèces d'oiseaux).

          Pour l'instant, seul le littoral permet un semblant d'urbanisation (de type villageois). Une route côtière en fait [presque] le tour, mais le tronçon devant relier les baies de Bang Bao et de Salak Phet, au sud, n'est toujours pas terminé. L'intérieur des terres est presqu'essentiellement constitué de hautes collines couvertes de forêts tropicales. On ne devrait pas voir de terrains de golf sur l'île, ni d'écoles internationales, avant longtemps. Mais question activités, le choix est varié : billard, ping-pong, vélo/VTT, volley-ball, beach foot-ball, trekking (cascades et chutes d'eau), canoë-kayak, plongée (tuba ou bouteilles), croisières dans les îles… Différents cours sont proposés : écoles de cuisine thaïe, classes de yoga, apprentissage du Reiki, du massage… Gastronomie locale (fruits de mer), cuisine internationale, vins de fruits… La côte Est de l'île est beaucoup moins fréquentée. Les plages sont moins belles (plutôt rocheuses et caillouteuses). On y voit de nombreuses palmeraies, des plantations d'arbres fruitiers et des parcs d'élevage de crevettes. Quelques «resorts» fantômes et des villages de pêcheurs en activité.

                 Du point de vue historique:
                 Pas grand-chose à signaler. L'île est restée inhabitée jusqu'à la moitié du 19ème siècle lorsque des familles de Sino-Thaïs vinrent s'y établir afin exploiter l'hévéa et la noix de coco. Le premier évènement historique important répertorié à ce jour est la tristement célèbre bataille navale qui eut lieu au large du sud de l'île pendant la guerre d'Indochine, le 17 janvier 1941. L'emplacement des épaves est signalé par des bouées, et il est facile d'y descendre en plongée. Un petit monument commémoratif a été érigé sur la plage de Wai-Chaek. Pour le moment, elle peut être atteinte soit par la mer, soit à pied en passant par Baan Chaek Bae. La visite historique peut se poursuivre sur le continent, au Monument de la Bataille Navale, près de l'embarcadère de Laem Ngop. (voir les photos ci-dessous) Le musée attenant possède une intéressante collection de photographies d'époque, ainsi que des cartes en relief.
Le deuxième évènement historique est le débarquement pacifique des tous premiers Farangs, en 1987. Une date charnière pour le développement de l'île.


                Pour aller à Koh Chang, de Bangkok: au départ d'Ekamai ou de Morchit, 5 heures de bus jusqu'à Trat. Puis taxis collectifs jusqu'aux ferries dont la fréquence varie selon la haute et basse saison. Ou minibus de Khaosan Road direct jusqu'au ponton (consulter les agences de voyage). En véhicule individuel, plusieurs itinéraires possible, comme Bangna-Chonburi-Klaeng-Chanthaburi-Laem Ngop. 3h30 à 4h de route. Bangkok Airways met Trat à 45 mn de Bangkok, 2 à 3 fois par jour suivant la saison. De Pattaya, un minibus part pour Laem Ngop via Ban-Phe tous les jours vers 7h30 (Agence Koh Chang Travel, rue la Poste).

Un site très complet à consulter: http://www.ko-chang.info/
Attention : la dernière MAJ date d'avril 2002 pour la version française.

Supplément photos




01/03/2008
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